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UNE SOIRÉE À TOLÈDE.

renoncules. Toutes ces fleurs brillaient fraîches et joyeuses. Un seul bouton de rose était là flétri, et ployé sur sa tige. Je ne sais si on l’avait exprès posé aux pieds de l’enfant ou s’il y était tombé de lui-même ; mais c’était comme un symbole ; leur sort était pareil ; ils avaient été fanés l’un et l’autre avant de fleurir.

Je songeais ainsi tristement à ces deux frêles boutons moissonnés ensemble. — La jeune femme rompit le silence.

— Elle est morte cette nuit dans mes bras, me dit-elle à voix basse, son regard tourné vers l’enfant.

— Il y avait sans doute bien peu de jours qu’elle était née, répondis-je timidement ?

— Oh ! dit-elle avec un profond soupir, elle aurait eu demain soir un mois.

— Un mois ! repris-je en hésitant, à peine aviez-vous eu le temps de la voir ; — elle ne pouvait pas encore reconnaître sa mère.

La jeune femme baissa la tête.

— C’est vrai, répondit-elle après une pause de quelques instans ; c’est vrai. Dieu me reprend bien vite les enfans qu’il me donne : on dirait qu’il ne veut que me les montrer sur la terre. — Que sa volonté soit faite ; il me les rendra sans doute ailleurs.

— Il ne vous reste donc plus d’autre enfant ?

— Ô mon Dieu non ! je n’en ai que trois — dans le ciel. Ya tengo tres en el cielo.

En ce moment, un rayon du soleil couchant, se glissant par la porte ouverte, vint soudainement éclairer le pur et doux visage de l’enfant, et, se jouant dans les fleurs dont sa petite tête