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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

vouloir ; puis enfin cette détermination de la volonté ne tarde pas à être suivie d’un acte extérieur qui lui correspond. J’ai donc commencé par être d’abord dans ma pensée tel qu’ensuite je suis devenu dans la réalité. Je me pense d’abord tel que je me ferai plus tard. Je me fais moi-même, mon être par ma pensée, ma pensée par ma pensée. On peut supposer à la vérité que chaque produit d’une des forces primitives de la nature, une plante par exemple, avant d’être devenue telle que je la vois actuellement, s’est trouvée aussi dans une sorte d’indétermination : on peut admettre encore qu’à cette indétermination pouvait succéder un grand nombre de manières d’être déterminées ; qu’abandonnée à elle-même, la plante aurait pu suivre indifféremment les unes ou les autres, mais toutes ces diverses manières d’être n’avaient d’autre cause que la nature même de la plante ; elles étaient dans la plante sans être pour la plante. Parmi elles, la plante ne pouvait faire un choix ; ce n’était pas à elle qu’il était réservé de mettre un terme à l’état d’indétermination où elle se trouvait ; au contraire à des causes qui se trouvaient en dehors d’elle. Elle n’a par conséquent préexisté d’aucune façon à ce qu’elle est, elle n’a en un mot qu’une manière d’être possible, l’existence réelle. C’est peut-être parce que j’avais fréquemment observé cela, que je me suis trouvé conduit à affirmer, il n’y a qu’un instant, que la manifestation extérieure d’une force quelconque était nécessairement déterminée par des causes en dehors de cette force. En le disant, j’étais sans doute préoccupé de l’idée des forces auxquelles appartient un seul mode de manifestation. Je pensais aux êtres qui n’ont que l’existence, auxquels la conscience est refusée. Ce que j’ai dit est vrai en effet de ceux-là, dans toute l’étendue du mot, mais ne l’est nullement de ceux doués d’intelligence.

C’est à ces derniers en effet, et à eux seuls que convient ou plutôt qu’appartient nécessairement la liberté telle que je l’ai définie. Cette supposition n’en rend pas plus difficile à comprendre l’homme et la nature. En l’admettant pour vraie, mon organisation matérielle et la puissance que j’ai d’agir dans le monde extérieur, n’en demeurent pas moins de même que dans la suppo-