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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

Marchant vers un but déterminé, les forces de la nature se développent suivant certaines lois. Aussi voyons-nous les objets extérieurs, être ou plantes, lorsque la force que recèle chacun d’eux n’est pas contrariée ou arrêtée dans sa manifestation naturelle par quelque cause étrangère, avoir une certaine durée et parcourir inévitablement le cercle d’un certain nombre de révolutions. La plante, manifestation de la seule force d’organisation de la nature, va d’elle-même, et dans un certain nombre de mois ou d’années, de sa germination à sa maturité. Manifestation complexe de plusieurs forces, l’homme fait de même de sa naissance à sa mort. La vie de tous deux est inévitablement déterminée d’avance, dans sa durée et ses diverses périodes. S’il est certains objets au contraire, qui ne font qu’apparaître au monde, qui meurent en naissant, nous devons être assurés que ce n’est pas le développement régulier d’une force de la nature qu’ils expriment ; mais seulement la rencontre fortuite, le choc passager en même temps qu’accidentel de plusieurs de ces forces.

Entre mes organes, mes mouvements volontaires et ma pensée, il existe un accord harmonique. Tant que cet accord continue, j’existe. J’existe de plus, comme un être de la même espèce, car les attributs essentiels qui caractérisent cette espèce subsistent en moi, au milieu d’un flux et reflux de modifications passagères.

Mais avant que je naquisse, la force, triplement complexe qui me constitue, qui constitue l’humanité entière, s’était déjà manifestée dans le monde. Elle l’avait fait à des conditions diverses, au milieu de circonstances extérieures de diverses sortes. C’est même en cela, je veux dire, dans ces conditions et ces circonstances diverses, qu’il faut chercher la raison qui fait être les manifestations de cette force, ce qu’elles sont réellement et actuellement. C’est cela qui a rendu nécessaire que dans telle espèce, ce fut tel ou tel individu qui vînt au jour. Or, les mêmes circonstances extérieures ne sauraient jamais se reproduire une seconde fois dans le monde, précisément telles qu’elles ont été une première. Il faudrait pour cela, ce qui est impossible, que le grand tout de la nature redevînt aussi une seconde fois ce qu’il