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ment vraie, que j’ai toujours trouvée telle, que j’ai la certitude de toujours trouver telle ; j’ai répondu, dis-je, c’est que ces modifications ont eu une cause qui les a faites ainsi ; c’est-à-dire que ce qu’elles sont, elles le sont en vertu d’une chose en dehors d’elles. Chose bizarre ! leur existence ne m’a pas paru suffire à prouver leur existence. Il m’a fallu en chercher autre part la raison. Chose plus bizarre encore ! ce sont elles qui ont trahi le besoin qu’elles ont d’un secours étranger pour exister : ce sont elles qui m’ont révélé l’incapacité où elles se trouvent d’être en vertu d’elles-mêmes ; car ne se montrant jamais à moi autrement que comme modifications d’une chose modifiée, elles m’ont rendu, par-là, impossible de le concevoir indépendamment de cette chose sur laquelle elles s’appuyaient constamment, qui les supportait pour ainsi dire ; et, pour parler comme l’école, il m’a fallu leur donner un substract. Ce substract (étant elles-mêmes déterminées comme je me suis convaincu, il n’y a qu’un instant, qu’elles l’étaient toujours), elles ne sauraient l’exprimer qu’à un état déterminé, par conséquent qu’à un instant de repos, à un temps d’arrêt dans le cours de ses transformations successives. Et en effet, à son passage de l’une à l’autre, ce substract se trouve nécessairement, pendant que dure la transition à un état encore indéterminé. C’est donc un état de passivité qu’expriment ces modifications. Or, toute existence passive est nécessairement incomplète. Toute passivité suppose une activité qui lui corresponde pour la limiter et la déterminer, ou pour parler le langage habituel qui en soit la cause. Ce que j’ai été conduit à admettre n’était donc pas que les modifications extérieures, en tant que simples modifications, pussent agir les unes sur les autres ; qu’une modification qui s’anéantit à l’heure qu’il est, pût dans l’heure qui va suivre, et lorsqu’elle ne sera plus, donner le jour à une autre modification autre qu’elle, et qui n’était pas encore ; pendant qu’elle-même existait. Il m’aurait paru par trop étrange que ce qui ne s’est pas produit soi-même, pût produire quelque chose hors de soi.

Mais une force inhérente à l’objet et le constituant, voilà ce