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REVUE DES DEUX MONDES.

Psyché[1], l’immortelle Psyché, dans le souvenir ou dans l’espérance d’un monde autre et meilleur, faisant effort pour livrer au vent de consolantes croyances, ses ailes enchaînées, s’agite avec de douloureuses, d’inexprimables angoisses au sein de l’étroite et passagère enveloppe qui l’emprisonne.

Mais laissons maintenant parler Fichte ; écoutons-le raconter lui-même ce premier acte de la grande trilogie qu’il a essayé de retracer.

LE DOUTE.

Je crois connaître actuellement une bonne partie du monde qui m’entoure ; du moins n’ai-je épargné pour cela ni mes soins ni ma peine. Je n’ai voulu m’en rapporter qu’au témoignage unanime de tous mes sens. J’ai regardé, puis j’ai touché, puis j’ai décomposé pièce à pièce ce que je venais de toucher ; et cela, ce n’est pas une seule, c’est plusieurs fois que je l’ai fait. J’ai comparé entre eux les phénomènes extérieurs, compris tous leurs rapports et leur ordre de succession : j’ai déterminé par avance les effets qui devaient être produits par chacun d’eux, et souvent j’ai vu ensuite ces effets se montrer dans la réalité tels que je les avais prévus. Alors seulement je me suis arrêté dans mes investigations. Mais je me suis arrêté pour demeurer aussi convaincu de la légitimité de connaissances que j’avais acquises en agissant de la sorte que je puis l’être de ma propre existence. Sur la foi que j’ai en leur infaillibilité, je hasarde à chaque minute ma vie et mes intérêts les plus chers. Je marche à pas sûrs et hardis dans la sphère où il m’a été donné de vivre et que j’ai su explorer tout entière.

Mais moi ! Que suis-je moi-même ? Quelle est ma destination ?

  1. Il est sans doute assez inutile de rappeler que c’est le nom grec de l’âme.