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et tout en chantant, les prêtres jetèrent en l’air les grains qu’ils avaient reçus. Devant le grand autel, au-dessus duquel on voyait les images de Tschigemune et de plusieurs burchanes, se trouvaient, selon l’usage, des coupes pleines d’eau, et de plus un grand bassin rempli de grains. Les lamas traversèrent le temple en procession, et vinrent l’un après l’autre s’incliner devant ce bassin, et le toucher du front sur le bord ; puis, ils s’arrêtèrent devant l’un des prêtres supérieurs, qui donna de nouveau à chacun d’eux une poignée de grains. Cette cérémonie n’offre-t-elle pas quelques rapports avec la cène des chrétiens ? Pour moi, l’illusion devenait complète, parce qu’on chantait durant la procession un andante qui ressemblait fort à un vieux plain-chant.

Les fidèles ne jouent aucun rôle dans les cérémonies. Ils se tiennent les mains jointes, à l’entrée du temple, le long de la muraille. Les femmes sont vêtues de soie bleue, et portent au front de riches bandeaux, ornés de malachite, de corail et de nacre. — Les lamas des bancs supérieurs ont un bonnet d’étoffe jaune fait en forme de casque, ce qui les distingue du reste des prêtres, qui portent le chapeau pointu des Mongols. Ce casque resta suspendu pendant le service divin aux colonnes qui s’élevaient derrière eux ; ils le reprirent à la fin de la cérémonie, qu’ils terminèrent ainsi, la tête couverte, par un dernier chant.

Derrière un rideau qui sépare l’autel principal du mur est un amas de livres sacrés, écrits en tangu, et de manuscrits dont les feuilles, conservées une par une entre deux planches, sont enveloppées d’étoffes de couleurs variées. Le temple est décoré avec profusion de plumes de paon, de peaux de tigres et de léopards, de dents d’éléphant, et d’autres curiosités du même genre, que l’on trouve dans l’Asie méridionale. Je vis en outre des ornemens particuliers sur lesquels on ne put me donner une explication satisfaisante. C’étaient des morceaux de bois qui figuraient des têtes d’hommes, et pendaient par centaines du dôme de l’église. Ces têtes étaient bizarrement peintes, et avaient toutes deux yeux fendus à la chinoise, la gueule d’un chien, et de plus, au milieu du front, une tache ronde et noire