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VOYAGE EN SIBÉRIE.

dans le miroir, pendant que le prêtre y verse l’eau qu’il veut consacrer.

Après cet entretien, nous allâmes dans le temple principal, qui touchait presque à la demeure du chamba-lama. Ce temple est en bois, exactement construit comme une église gothique, et précédé d’un vestibule. La nef est plus élevée que les galeries latérales, dont elle est séparée par deux colonnades en bois, et au-dessus d’elle, dans le milieu du temple, pris en longueur, s’élève une haute coupole comme dans les églises gothiques construites en forme de croix. Des bancs sont placés le long des colonnes, et c’est là que s’asseoient les prêtres, rangés sur de longues files ; ceux d’un ordre inférieur se placent dans les côtés, mais les principaux lamas, qu’on reconnaît à leurs vêtemens, occupent des bancs adossés aux colonnes du milieu.

Chacun de ces prêtres, armé d’un instrument de musique, faisait sa partie dans un orchestre plus étrange encore que celui de la plaine. Ce n’étaient plus seulement des cors de dix pieds, des tamtams (mot chinois certainement inventé par les musiciens de Paris, car on ne le connaît pas ici), des cymbales, des castagnettes et des timbales ; il y avait aussi de longs instrumens en spirale, avec une ouverture à l’extrémité, et un carillon de cloches de l’effet le plus bizarre. Près de l’autel, au fond du temple, quelques lamas d’un ordre supérieur étaient assis sur des siéges à dos. Ils n’avaient pas d’instrumens, mais ils psalmodiaient des prières, et l’orchestre des deux cents lamas les accompagnait. C’était alternativement un andante et un allegro. Comme le chant des prêtres était lent et grave, on les accompagnait sur les instrumens les plus bas, tels que les cors et les timbales d’airain ; puis, à la fin de chaque strophe, l’allegro de la musique et des voix recommençait ; tous les lamas chantaient et jouaient en même temps de leurs instrumens, de façon à ce que chaque syllabe du récitatif fût toujours suivie d’une note de l’orchestre. Pendant un moment de silence, l’un des prêtres placés aux siéges supérieurs parcourut rapidement tout le temple, distribuant à chaque lama une poignée de grains qu’il prenait dans un grand bassin. Alors la musique recommença