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VOYAGE EN SIBÉRIE.

qui se composaient de plus de cent plats, des pipes furent distribuées à la ronde avec du rhum chinois. Cette liqueur n’est pas bonne, car on nous offrit en même temps, comme quelque chose de très recherché, de l’eau-de-vie de Sibérie de la dernière qualité, et tous les Chinois la préférèrent au rhum. Lorsqu’on eut fini de fumer, des soupes de toutes sortes furent servies dans de petits vases en porcelaine ; puis, on reprit les pipes, et enfin le repas se termina d’une étrange manière : on plaça sur chaque table des bouilloires à thé, toutes fumantes, avec du charbon dans le milieu ; mais ce n’était pas du thé qu’elles contenaient, c’était du schtschi, espèce de soupe aux choux russe.

Après le repas, le sargutschei nous conduisit dans deux principaux temples mandchoux, situés près de son palais. Dans le premier, on voit au fond du sanctuaire quatre ou cinq idoles, de grandeur naturelle, faites d’argile, et enluminées des couleurs les plus vives et les plus disparates ; elles sont placées sur une estrade, et à leurs pieds s’élèvent des monceaux d’offrandes, des brebis entières, des volailles de toutes sortes, etc., etc. Sur une table particulière, placée près de la porte du temple, du côté de la rue, les dons des fidèles sont entassés de manière à représenter une muraille qui ferme entièrement l’entrée. C’est comme une palissade de pâtisseries ; elle a cinq ou six pieds de haut, et les jours du milieu sont fermés soigneusement avec des fruits confis, des gâteaux de tout genre, et mille autres friandises auxquelles l’estomac des prêtres doit souvent garder quelque rancune.

Un second temple fait suite au premier ; sa disposition intérieure est la même, seulement les idoles sont différentes. Le premier temple est consacré au dieu de la richesse et au dieu des chevaux. Dans le second, on rend un culte au dieu du feu et au dieu des vaches. Derrière les statues de ces divinités sont placées d’autres statues, qui, nous dit-on, représentent leurs valets. L’un de ces personnages inférieurs porte un petit cheval dans la main droite ; un autre tient une vache. N’est-ce pas une chose ingénieuse que le dieu du feu ait le visage d’un rouge éclatant, et qu’il ait au milieu du ventre un petit disque de