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VOYAGE EN SIBÉRIE.

nois, qui nous serraient la main en forme de salut. Nous entrâmes enfin dans la salle du festin, où nous fûmes reçus par notre hôte.

Le vestibule du palais est recouvert d’une toiture plate en bois, soutenue par trois rangs de colonnes. L’entrée de l’antichambre donne immédiatement dans ce vestibule, et de l’antichambre on passe dans la salle à manger. Les murs du bâtiment sont en bois, car un traité passé entre la Russie et la Chine défend toutes constructions en pierre sur les frontières des deux empires. Cependant on va bâtir un bazar en pierre à Kiachta ; je ne sais si c’est une liberté que l’on prend, ou si l’on a stipulé cette réserve dans un traité. Les fenêtres du palais se suivent sans interruption depuis la porte de l’antichambre jusqu’à la moitié de la salle à manger, qui forme un rectangle ; il s’en trouve encore à deux autres places du mur, et cependant la pièce est sombre, parce que la toiture plate du vestibule saillit en dehors, et intercepte le jour. Les fenêtres du sargutschei sont toutes éclairées par des vitres de mica, comme celles des paysans russes. Chez les marchands de Maimatschin, on ne voit que des carreaux de papier, avec un petit rond de mica transparent dans le milieu ; ils sont traversés diagonalement par des bandes de bois qui les soutiennent, et ces châssis de fenêtres sont travaillés avec beaucoup de recherche, comme tous les meubles des Chinois. Le sargutschei se tenait sur un canapé, placé contre la muraille et devant l’entrée de la salle. Je m’emparai du fauteuil le plus proche de notre hôte, afin de pouvoir causer avec lui.

Le sargutschei a près de cinquante ans. Il est grand, maigre, et paraît très vieux. Nous le vîmes revêtu d’un spencer et d’une robe de soie grise brochée. Quoiqu’il fût dans une chambre, il portait sur la tête, comme tous les Chinois, le chapeau de feutre d’hiver, avec des bouffettes rouges et un bouton de pierre blanche sur le sommet, comme marque de son rang. Il avait aussi au pouce de la main droite un anneau de calcédoine, de la largeur d’un pouce ; c’est la marque distinctive des Mandchoux. Ses ongles n’avaient qu’un demi-pouce de long, car