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VOYAGE EN SIBÉRIE.

meaux, qui de l’intérieur amènent ici des convois de thé, aux commis des marchands, s’ils sont Mongols. Quant aux Mandchoux qui viennent à Maimatschin, par exemple, les employés du gouvernement et les gros marchands, ils y trouvent aussi des temples de leur religion. J’ai expédié pour Berlin quelques centaines des pastilles dont je viens de parler. Elles vous arriveront dans une caisse de quincaillerie chinoise. Lorsque vous en aurez analysé plusieurs, il vous en restera encore suffisamment pour qu’à Berlin vous puissiez respirer les parfums de Maimatschin. Dans les jours de fête comme ceux-ci, l’odeur de la poudre chinoise se mêle à ces parfums ; car on tire à chaque instant de petites fusées dans les cours des maisons. Vous pourrez encore faire l’expérience de ces pièces d’artifice, car je vous en envoie une petite caisse. Malheureusement je ne puis vous expédier l’ingrédient le plus essentiel des parfums du pays. Il y a vraiment ici une odeur nationale (ainsi que Napoléon l’a remarqué pour la Corse, et comme tous les étrangers l’observent en Russie), c’est celle des Chinois eux-mêmes. Quand j’entrais chez les marchands russes de Kiachta, je devinais par l’odorat, et sans m’expliquer pourquoi, s’ils avaient reçu ou non depuis quelque temps des Chinois de Maimatschin. Les Russes trouvèrent mon observation fort juste, et attribuèrent cette odeur au goût très prononcé que les Chinois ont pour l’ognon.

Dès que le soleil se couche, on en est averti par un bruit de timbales, provenant de la tour de bois, et par des coups de pistolet que l’on tire dans les cours des maisons. Alors il n’y a plus moyen pour un Européen de rester à Maimatschin. Les Russes ne peuvent y passer la soirée qu’à certains jours de fête. J’accostai encore quelques passans ; mais ils me dirent pour toute réponse (cependant avec leur courtoisie accoutumée) paschol (allez-vous-en), et en même temps ils désignaient de la main l’endroit par où l’on sort de Chine.

Ce fut, à vrai dire, le 18 février, que commencèrent les fêtes à Maimatschin. Le sargutschei donna un grand repas. D’après l’échelle des dignités russes, le sargutschei serait en Russie un officier de septième classe : c’est donc ici un personnage impor-