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LE MESSAGE.

— Monsieur, nous ne trouvons point madame !…

À ce mot, je me levai par un mouvement brusque, en redoutant quelque malheur, et ma physionomie exprima si vivement mes craintes, que le vieux chanoine me suivit au jardin ; le mari vint par décence jusque sur le seuil de la porte, et nous cria :

— Restez ! restez ! n’ayez aucune inquiétude !

Mais il ne nous accompagna point.

Le chanoine, la femme de chambre et moi parcourûmes les sentiers et les boulingrins du parc, appelant, écoutant, et d’autant plus inquiets, que j’annonçai la mort du jeune vicomte. En courant, je racontai les circonstances de ce fatal évènement, et m’aperçus que la femme de chambre était extrêmement attachée à sa maîtresse, car elle entra bien mieux que le chanoine dans les secrets de ma terreur. — Nous allâmes aux pièces d’eau, nous visitâmes tout sans trouver la comtesse, ou le moindre vestige de son passage. Enfin, en revenant le long d’un mur, j’entendis des gémissemens sourds et profondément étouffés, qui semblaient sortir d’une espèce de grange. À tout hasard j’y entrai. Nous y découvrîmes la comtesse, qui, par un accès de folie sans doute, s’y était ensevelie au milieu du foin ; elle avait caché sa tête, afin d’assourdir ses horribles cris, obéissant à une sorte d’instinct pudique : c’étaient des sanglots, des pleurs d’enfant, mais plus pénétrans, plus plaintifs ; il n’y avait plus rien dans le monde pour elle. La femme de chambre dégagea sa maîtresse, qui se laissa faire avec la flasque insouciance de l’animal mourant.

Cette fille ne savait rien dire autre chose que :

— Allons, madame !… allons…

Le vieux chanoine demandait :

— Mais qu’a-t-elle ?… Qu’avez-vous ma nièce ?…

Enfin, aidé par la femme de chambre, je transportai Juliette dans sa chambre ; je recommandai soigneusement de dire à tout le monde que la comtesse avait la migraine et de veiller sur elle ; puis, nous redescendîmes, le chanoine et moi, dans la salle à manger.

Il y avait déjà quelque temps que nous avions quitté le comte. Je ne pensai guère à lui qu’au moment où je me trouvai