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Castille quittèrent la maison, on les accompagna avec des acclamations et des vivat !

Cependant le capitaine Grivel ne regardait pas sa tâche comme remplie : il ne pouvait être satisfait avant d’avoir délivré ceux-là même dont il avait eu le plus à se plaindre. Il alla visiter le maréchal Victor et lui dit : Donnez-moi une embarcation, cent fusils et des munitions, et j’irai vous chercher tous nos camarades. Le temps est bon encore : je pars et je reviens dans trois ou quatre heures.

— Non, lui répondit le duc de Bellune ; non, monsieur Grivel ; c’est trop de dévoûment ; je ne consentirai jamais à vous voir exposé de nouveau.

Force fut au capitaine de se résigner : il espérait cependant que les Français des pontons chercheraient à l’imiter, et qu’ils saisiraient la première occasion propice.

— S’ils se souviennent de moi, se disait-il un jour, ils viendront nous rejoindre.

Ce jour-là il avait un pressentiment. Qui oserait rire d’un pressentiment ? Qui n’a entendu, au moins une fois, certaine voix intime l’avertir d’un malheur ou d’une joie prochaine ? Grivel était allé dîner chez le commissaire des guerres à Xérès. Sur le soir, il vit le temps changer : les vents fraîchissaient du sud-ouest. Il appela son domestique : — « Selle tout de suite. »

— Et où allez-vous si vite ? lui dit son hôte. Pourquoi nous quitter ainsi ? Quelle affaire pressante vous appelle à Port-Sainte-Marie ?

— Il faut que je m’en aille, j’ai dans l’idée qu’il y aura du nouveau cette nuit à la côte. Adieu.

Il n’y eut pas moyen de le retenir. Les deux lieues qui séparent Sainte-Marie de Xérès furent bientôt franchies. Grivel était sur le bord de la mer à minuit, épiant les mouvemens de la rade ; à trois heures la Vieille-Castille y arriva. Le capitaine ne s’était pas trompé ! On se mit en devoir de sauver les prisonniers, parmi lesquels, il faut le dire, quelques-uns méritaient peu la bonne fortune que leur avaient assurée leurs braves camarades, L’officier des marins de la garde ne resta pas, comme on