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moderne, elle a défendu de deux manières son système contre la réaction de l’Europe, tantôt par la puissance matérielle et la prépondérance de la force, tantôt par la puissance des idées et l’énergie des doctrines politiques ; quelquefois ces deux éléments ont été réunis dans sa main, plus souvent ils ont été séparés ; mais toujours quand sa force a commencé à défaillir, la puissance de ses idées a surgi de nouveau dans une égale proportion, en sorte que soit par la main, soit par la tête, il n’y a point eu d’interrègne pour elle dans sa mission sociale. Sous Louis xiv, le génie de la pensée et le génie de la force se rencontrèrent et donnèrent à cette époque son harmonie de gloire. Dans le siècle suivant, l’action politique exercée au dehors se réduisit à rien. Mais alors, pour contenir l’Europe et la garder pour soi, quel effort de doctrines, quelle audace de théories, quel empressement à tout briser chez soi, quelle ardeur des idées à se soulever sur les planches du trône pour faire à elles seules tête au continent ! Et elles y réussissent. Voici une autre époque : cette fois les doctrines ne sont rien, l’énergie civile n’est rien, les idées rentrent désarmées, chacune en ses foyers, les principes replient leurs étendards, les conséquences s’arrêtent inclinées au pied des trônes et retournent en arrière. Mais aussi la France se sert alors de sa force, et n’a guère besoin de s’armer de pensées. C’est le temps de l’empire.

Aujourd’hui l’une de ces solutions est ouvertement abandonnée au profit du pays, j’y consens. La force calme et fière qui sied à un vaincu, on n’a pas voulu la garder dans la victoire, je l’admets. On a voulu faire un pas dans l’humanité, et rentrer dans le fourreau la grande épée qui pouvait briser le nœud gordien des sociétés modernes : Tout cela, nous le louerons si l’on y tient. Mais il faut être conséquent. Voilà le pays suffisamment alangui et démantelé, et contraint d’être sage quand il ne voudrait pas l’être. Non, la force ne résistera pas cette fois à la force. Reste donc pour nous sauver l’énergie des doctrines et des institutions politiques. L’Europe constitutionnelle, telle que nous l’avons décrite ci-dessus, frappe à la porte de la France, et menace de passer le seuil. Quel est le mouvement naturel et la loi de la