Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/479

Cette page a été validée par deux contributeurs.
464
REVUE DES DEUX MONDES.

taine de 1810 est un des officiers-généraux les plus distingués de la marine ; c’est le contre-amiral Grivel.

— Il faut en finir avec ces badernes qui nous contrecarrent, dit Euryeul au capitaine Grivel. Je viens encore d’avoir une espèce d’explication avec un d’eux. Je vois qu’ils veulent rester ici, et qu’ils feront leur possible pour ne pas nous laisser partir. Qu’en dites-vous ?

— J’ai un projet en tête, Euryeul ; laissez-moi faire : je les mettrai bientôt au pied du mur. Ils se sauveront avec nous, au risque de quelques déchirures à leur peau, pour laquelle ils ont tant de ménagemens, ou, parbleu ! nous partirons sans eux et malgré eux. Ce soir, sans plus de retard, je leur dirai ce que j’ai dans l’âme, et nous verrons.

Le soir venu, le capitaine ayant rencontré dans leur chambre quelques officiers supérieurs :

— Messieurs, leur dit-il, j’ai une communication à vous faire ?

— Des nouvelles de l’empereur, ou de l’armée d’Andalousie ?

— Non, des nouvelles de la Vieille-Castille.

— Est-ce qu’il y a quelque chose de nouveau à bord ?

— Oui, messieurs, il y a dans ma tête une pensée mûrie, à laquelle je viens vous associer.

— Quelque extravagance encore, bonne tête !

— C’est ce qu’il faudra voir, messieurs. Voici ce dont il s’agit. Nous sommes las de la vie inerte à laquelle on nous a condamnés. Nos malheureux amis des autres pontons souffrent plus que nous, et ils partagent sans doute nos désirs de liberté. Cette liberté n’est peut-être pas difficile à retrouver : il faut enlever les pontons et nous jeter à la côte, où nous attend l’armée.

— Voilà une belle proposition ; mais comment l’exécuter ?

— Ah ! parlez-moi des gens qui s’embarrassent de tout, reprit le capitaine Grivel. Il est certain que ce n’est pas la chose la plus simple du monde, et que nous courons de grands dangers.

— Fort grands en effet, interrompit un des sages de la prison, car c’est la mort, si nous échouons.