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rais pas éloigné de croire qu’il ne se soit formé à l’école du jansénisme de Port-Royal.

Voilà qui pourrait expliquer combien peu ce publiciste a compris la révolution et l’empire ; il n’a vu passer qu’avec une humeur chagrine tant de scènes et d’acteurs, de catastrophes et de victoires ; l’histoire de nos dernières quarante années n’a été pour lui qu’une interruption malencontreuse et irrégulière de la légitimité ; Napoléon qu’un usurpateur de mauvais ton des droits de Louis xviii. Pas davantage, M. Royer-Collard ne semble adhérer au mouvement social dont il est le spectateur. Il s’écrie tristement : Assez de ruines, sans entrevoir pourquoi ces ruines. L’esprit nouveau qui souffle autour de lui l’impatiente et l’irrite ; il s’écrierait volontiers à cette jeunesse pétulante : Que voulez-vous donc, générations jeunes, impatientes et folles ? Vous voulez marcher encore, mais nous sommes las, et d’ailleurs nous sommes arrivés. Venez tranquillement vous asseoir à côté de vos pères. Que tous se reposent ; soyez raisonnables et sages ; laissez-nous faire et laissez-nous dire, alors tout ira bien.

Mais, monsieur, cette jeunesse est assez imprudente pour ne pas écouter ce conseil ; elle respecte l’âge et le talent ; elle se souvient des services rendus, mais elle ne se croit pas solidaire des destinées d’un système émérite, épuisé. Est-ce la faute des générations nouvelles si elles ne trouvent à leur arrivée que des tentes éphémères que les tourmentes du siècle ont mises en lambeaux, et si elles sont obligées de se demander entre elles où est le ciment pour construire un édifice qui puisse abriter au moins les enfans de nos enfans ?

Vous devez surtout être frappé, monsieur, de la stérilité à laquelle vient aboutir la carrière philosophique de M. Royer-Collard. Pas un ouvrage, pas même une tentative ; une collection peu nombreuse de discours politiques qui nous offrent sans doute de belles pages, mais où domine une métaphysique fastueuse, étroite, et quelquefois un peu pédantesque : ce n’est pas ainsi qu’on parvient à imprimer un mouvement, à jeter l’ancre dans son siècle. M. Royer-Collard, dans son discours à l’académie fran-