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LETTRES PHILOSOPHIQUES.

souveraineté nationale n’a pas d’autre sens ; c’est la déclaration que les gouvernemens et les rois ne sont que les premiers agens des volontés de leurs siècles ; il dépend d’eux d’être des serviteurs intelligens. La société française ne sera paisible et satisfaite que par le triomphe incontesté, et la pratique efficace de son droit qui domine tous les autres : écrit en juillet, il veut être développé. Il est triste que ce résultat de notre civilisation n’ait pas trouvé un appui dans le talent de M. Royer-Collard, qui, au contraire, a jeté de l’incertitude dans les esprits par sa théorie artificielle, sans base et sans racine, qui a fortifié de son autorité les partisans purs du droit exclusif de l’ancienne dynastie, qui a mis enfin en suspicion les principes et les intérêts de la révolution française.

Dans l’esprit de M. Royer-Collard, la royauté était la source de toute souveraineté et de toute civilisation pour la France ; la légitimité primait tout. Cette vue, que notre histoire a démentie depuis 1789, entraîna ce publiciste à d’étranges propositions : ainsi, en 1816, il nia que la Chambre des députés fût une représentation nationale ; elle n’était qu’un pouvoir auxiliaire de la royauté ; autrement si elle était une représentation, il faudrait donc la considérer comme la seule image du pays. Et M. Royer-Collard poussait la conséquence, car il disait : « Le jour où le gouvernement n’existera que par la majorité de la Chambre, le jour où il sera établi en fait que la Chambre peut repousser les ministres du roi, et lui en imposer d’autres qui seront ses propres ministres, ce jour-là c’en est fait, non pas seulement de la Charte, mais de notre royauté, de cette royauté indépendante qui a protégé nos pères, et de laquelle seule la France a reçu tout ce qu’elle a jamais eu de liberté et de bonheur ; ce jour-là nous sommes en république[1]. » Quelques jours après, M. Royer-Collard revint encore sur ce point, et dit : Vous allez tirer de la Charte une monarchie ou une république[2]. Je suis de son avis, et les faits ont tiré de la Charte une

  1. Discours, à la Chambre des députés, du 12 février 1820.
  2. Discours du 25 février même année.