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marchandises seraient dans ses états, et le lendemain de bonne heure, nous commençâmes à passer le fleuve.

En attendant mes nouveaux porteurs, je traversai plusieurs fois le Couenza pour examiner sa rive méridionale. Les habitans du village dont j’ai parlé n’avaient point le caractère pervers des nègres de Cunhinga. Ils ne cherchèrent ni à me voler ni à me causer le moindre dommage ; ils m’accompagnèrent même dans mes excursions, et me conduisirent chez le sorcier le plus fameux de ces contrées, qui demeure à une petite distance de chez eux. C’est dans sa maison que tous les nègres du royaume d’Angola, de Benguela, des états de Humbé, Grandé, Bihé, Baïlundo, Cunhinga, Cutato, Tamba, Quigné, et autres, vont faire l’épreuve des coupes pour reconnaître la vérité. Cela s’appelle boire le balungo. La réputation de cet homme s’étend dans tout le Congo, et n’est égalée que par celle du devin de Cassange. Tous deux passent pour converser familièrement avec les dieux qui leur révèlent la vérité.

J’étais entré chez lui, mais il ne me permit pas d’y rester pour assister à l’opération qui allait commencer. Il m’appela profane et ennemi des nègres ; il conseilla même à ceux qui m’accompagnaient de m’assassiner.

Je retournai chez lui le lendemain ; mais instruit de ce que j’avais à craindre de ses insinuations perfides, je lui fis un joli présent, dans lequel entra une casaque de bayette rouge bordée de jaune. Il devint alors très complaisant. Il me permit de voir les coupes qu’il avait préparées pour deux nègres qui étaient venus le consulter. Je les goûtai. L’une contenait une décoction de l’écorce du panda sans aucun mélange ; mais quoique je reconnusse la même liqueur dans l’autre coupe, la petite quantité que j’avalai me causa dans la gorge une chaleur et une irritation qui m’occasionnèrent une toux violente pendant quelques minutes.

Cependant les nègres qui devaient subir l’épreuve arrivèrent et prirent les coupes avec beaucoup de courage ; mais ils avaient à peine bu ce qu’elles contenaient, que l’un d’eux tomba, et parut agité de convulsions terribles. Ses parens donnèrent aussi-