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qu’on dit nouvelle. Les Pays-Bas, sous la conduite de la France, rentrent en paix dans l’héritage des princes allemands. Il y avait autrefois, sur les derrières des nations germaniques, un peuple qui pouvait les entraver, un peuple étrange en effet, et un hôte incommode. Égorgé tous les siècles une fois, il recèle toujours, je ne sais comment, en tombant, un peu de vie dans un coin de son cœur, de quoi se redresser et revivre quelques mois à son anniversaire. Ce peuple, qui s’était remis sur son séant au bruit qu’avait fait la France, vient d’être de nouveau égorgé en plein jour. Ses plaies, en vérité, ont bien saigné ; nous en sommes témoins. Il est permis cette fois de le croire mort en sûreté. Et la France, qui voit ce cadavre, qui met son doigt dans ses plaies, s’endort après cela sur son chevet. Il restait au midi, par hasard, dans les mers du levant, une misérable royauté que nous avions faite nous-mêmes ; royauté de larmes, de décombres, de soupirs, de famine, de huttes de crins, de villes ruinées depuis deux mille ans. À travers tout cela, il y avait un trône que celui qui écrit ces lignes a vu faire avec la planche d’un brûlot jeté sur les marbres d’Égine. Peut-être la France va-t-elle s’y reposer ? Vous le croyez ? Sur cette planche encore, nous trouvons une place pour y asseoir un roi de la maison de Prusse et du système du nord.

Cependant une chose devrait ouvrir les yeux. La révolution française, survenue, dans l’ordre des temps, près d’un siècle après celle d’Angleterre, a aussi un autre système de faits à accomplir ; et, depuis l’origine, sa pente, heureuse ou malheureuse, a toujours été de tomber tôt ou tard dans la forme contemporaine de la révolution d’Amérique. C’est là son écueil, on ne peut le nier, depuis le soleil de Campo-Formio. Une administration qui eût vu cette pente, qui eût compris son pays, pour le retenir et le rallier à quelque chose, eût rattaché à tout prix les libertés de la France aux libertés de l’Europe. Au lieu de cela, je ne sais quel incroyable plaisir on met à délier un à un ses rivages. La France n’est plus rien à l’Italie, plus rien à l’Espagne, plus rien aux Pays-Bas, plus rien à l’Allemagne. Les libertés qu’elle renie font leurs affaires sans elle, et se retour-