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consistant en un bout de corde, qu’il promène tout le long de l’étoffe qu’on lui propose. Il ne manque pas de demander quelques pannos d’indienne à fleurs ou des mouchoirs : ordinairement on lui en accorde quatre. L’indienne est l’espèce de toile qu’il préfère ; cependant elle est moins large que les autres. Les bayettes sont bleues, rouges, ou jaunes, toujours unies.

Voici comment se négocie un marché d’esclave, n’importe son sexe. Le vendeur n’en offre jamais qu’un à-la-fois, à moins que ce ne soit une mère avec ses enfans en bas âge. Il arrive au pombo, accompagné de son ami ou entremetteur : l’un ou l’autre présente un captif, sans vanter sa marchandise, à moins que ce ne soit une jeune fille vierge. Dans ce cas, il fait valoir cette particularité au mulâtre, pour exiger un prix plus élevé. Celui-ci commence par verser aux deux nègres une ample rasade de son meilleur tafia ; c’est le préliminaire indispensable de la négociation ; parfois elle dure très long-temps, et même une demi-journée. Quand on est d’accord sur le prix et sur l’assortiment des objets qui le représentent et qui sont inspectés, le mulâtre scelle le marché en donnant une bouteille de tafia, qui est encore du meilleur ; elle est vidée à l’instant. Le mulâtre profite de l’ivresse des deux nègres pour glisser dans ce qu’il leur livre des marchandises de qualité inférieure ; et s’il est convenu de donner du tafia, il le mélange de moitié d’eau au moins.

Pendant que le marché est en débat, le mulâtre a la faculté d’examiner aussi minutieusement qu’il le désire, l’esclave qu’on lui offre ; mais ce n’est qu’au moment où la livraison des objets donnés en échange est achevée, que le prisonnier quitte les côtés du vendeur pour passer dans la possession de l’acheteur. Cependant celui-ci n’a pas le droit de délier la corde qui garrotte ses mains, sous peine de le voir devenir de nouveau la propriété du vendeur : c’est ce dernier qui doit faire cette opération. Alors l’esclave passe dans les magasins du mulâtre.

Le nombre de captifs amenés annuellement au marché du Bihé est d’environ six mille, dans la proportion d’une femme