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rieures ; or, ce peuple, vous le connaissez. Depuis la fin du moyen âge, la force et l’initiative des états germaniques passe du midi au nord avec tout le mouvement de la civilisation. C’est donc de la Prusse que l’Allemagne est occupée à cette heure à faire son agent, au lieu de l’empire d’Autriche ? Oui ; et si on la laisse faire, elle la pousse lentement, et par derrière, au meurtre du vieux royaume de France.

En effet, au mouvement social que nous avons décrit ci-dessus, est attachée une conséquence que l’on voit déjà poindre, nécessaire, historique, parfaitement indépendante des passions et des rivalités actuelles. C’est qu’à mesure que le système germanique se reconstitue chez lui, il exerce une attraction invincible sur les populations de même langue et de même origine qui en ont été détachées par la force, et qu’il ne s’arrêtera pas qu’il ne les ait reprises. Il faut bien savoir que la plaie du traité de Westphalie et la cession des provinces d’Alsace et de Lorraine saignent encore au cœur de l’Allemagne, autant qu’à nous nos traités de 1815 et que, dans ce peuple qui rumine si long-temps ses souvenirs, on la trouve, cette plaie, au fond de tous ses projets et de toutes ses rancunes d’hier. Long-temps un des griefs du parti populaire contre les gouvernemens du Nord a été de n’avoir point arraché ce territoire à la France en 1815, et, comme il le dit lui-même, de n’avoir pas gardé le renard, quand on le tenait dans ses filets. Mais ce que l’on n’avait pas osé en 1815 est devenu aujourd’hui le lieu commun de l’ambition nationale. Remarquez en effet que toujours ces provinces limitrophes ont été absorbées au profit d’un système social, et qu’elles ont incessamment servi à fortifier le pays, qui se faisait, de la manière la plus éclatante, le représentant de la civilisation sur le continent. Quand Charlemagne porta la civilisation au midi, il les prit et les jeta pêle-mêle dans l’occident, pour faire pencher la balance de ce côté. Quand l’empire d’Autriche supporta le poids de la société féodale, et, par son équilibre avec la papauté, fonda le système du moyen âge, elles lui revinrent et l’appuyèrent à sa base. Quand plus tard la France devint le centre du progrès social,