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DE L’ALLEMAGNE.

d’union pour l’abolition des frontières de douane ; déjà l’une d’elles a voté ce contrat, dont la conséquence immédiate est de conférer à la Prusse le protectorat matériel de tout le reste des nations germaniques.

Ainsi voilà l’unité du monde germanique que tout sert à relever, rois, peuples, religion, liberté, despotisme, et qui menace de fouler la France au premier pas. Cette unité n’est point un accord de passions que le temps mine chaque jour. C’est le développement nécessaire, inévitable de la civilisation du Nord. Jusqu’ici nous n’avions guère redouté que la Russie et les peuples slaves ; nous avions sauté à pieds joints cette race germanique, qui commence, elle aussi, à entrer à grands flots dans l’histoire contemporaine. Nous n’avions pas compté que tous ces systèmes d’idées, cette intelligence depuis long-temps en ferment, et toute cette philosophie du Nord qui travaille ces peuples, aspireraient aussi à leur tour à se traduire en événemens dans la vie politique, qu’ils frapperaient sitôt à coups redoublés pour entrer dans les faits et régner chez eux avec l’état sur l’Europe actuelle. Nous qui sommes si bien préparés pour savoir quelle puissance est aux idées, nous nous endormions, je ne sais comment, sur ce mouvement d’intelligence et de génie ; nous l’admirions naïvement, pensant qu’il ferait exception à tout ce que nous savons, et que jamais il n’aurait, pour son compte, l’ambition de passer des consciences dans les volontés, des volontés dans les actions, et de rechercher pour lui la puissance sociale et la force politique. Et voilà cependant que ces idées, qui devaient rester si insondables et si incorporelles, font comme toutes les idées qui ont jusqu’à présent apparu dans le monde, et qu’elles se soulèvent en face de nous avec toute la destinée d’une race d’hommes ; et cette race elle-même se range sous la dictature d’un peuple, non pas plus éclairé qu’elle, mais plus avide, plus ardent, plus exigeant, plus dressé aux affaires. Elle le charge de son ambition, de ses rancunes, de ses rapines, de ses ruses, de sa diplomatie, de sa violence, de sa gloire, de sa force au-dehors, se réservant à elle l’honnête et obscure discipline des libertés inté-