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malgré elle, à l’unité allemande le dernier appui qui lui était nécessaire. Dans leur forme gauche et entravée, avec leurs prétentions cachées, les états constitutionnels, depuis l’élan qu’ils ont reçu, ne s’arrêteront plus avant le renversement du système entier des états germaniques. Le bruit qu’ils font, se perd, il est vrai, en Europe dans le retentissement du dehors. Mais chez eux, laissez faire ce tumulte inattendu ; laissez faire ces passions scrupuleuses, cette œuvre lente et patiente. Quand chacun d’eux aura sapé chez lui en conscience, à petit bruit, sa petite monarchie, vous verrez comment ces souverainetés éphémères vont s’écouler paisiblement dans le sein d’une volonté constitutionnelle et nationale. Le principe monarchique, qui semble si fort en Allemagne, n’a souffert nulle part, au contraire, une atteinte plus profonde. Divisé, morcelé, tiré au sort, comme le pays lui-même, depuis le seizième siècle, chacun a emporté avec soi une partie de ses reliques. Dans ce grand deuil, l’un porte le manteau, l’autre l’épée, l’autre la couronne de la royauté ; car la réforme a mis la majesté impériale au pillage, et celle-ci sait bien qu’il y aurait pour elle meilleur profit à disparaître qu’à aller rechercher les membres de sa puissance, que Luther a brisés et dispersés sur les toits. Oui, Luther a dispensé l’Allemagne d’avoir à son tour son Mirabeau ; il l’a dispensée d’avoir sa convention ; il lui a sauvé son échafaud et son Robespierre. Ah ! qu’elle l’honore de toutes ses forces son docteur, et qu’elle n’oublie pas de sonner toutes les cloches son jour de fête ! car il lui a fait traverser à elle, sans qu’elle s’en doute, il y a trois siècles, son 2 septembre, son ruisseau de sang sur la Grève, et sa bataille d’Arcole. Traditions, pouvoirs, monarchie, aristocratie, il a tout miné sous le sol, il a tout blessé au cœur. À présent, il ne faut plus que le travail pacifique de quelques états, pour enterrer ses morts. On parle d’un roi resté debout après deux cents ans dans sa tombe. Rien n’était plus merveilleux, ni plus respectable que ce prince ainsi fait. Par malheur le souffle d’un enfant le réduisit à rien. Le système entier de l’Allemagne ressemble à ce roi dans son caveau ; il ne faut qu’un