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tat, dont nous venons de signaler la plaie. La meilleure façon de donner à connaître de telles activités morales, ce n’est pas en effet de les interpréter ni de les peindre, c’est surtout d’acquiescer à l’ensemble de vérités qu’elles restaurent, et de rendre témoignage au principe fondamental dont elles se déclarent les simples organes. Mais ces sortes d’adhésions, pour être valables et sincères, ne doivent se manifester que dans leur temps, et jusqu’à cet invincible éclat intérieur, on n’y saurait mettre en paroles trop de mesure, je dirai même, trop de pudeur. Il y a, nous l’avons éprouvé, dans beaucoup d’esprits jeunes et ouverts, une facilité périlleuse à adopter, à professer prématurément des doctrines qu’on conçoit, qu’on aime, mais dont certaines parties laissent encore du trouble. C’est une aberration intellectuelle qui mène également, et par une pente rapide, à l’indifférence, une autre forme plus spécieuse qu’elle revêt, une autre injure au caractère sérieux et trois fois saint de la Vérité.

L’abbé de La Mennais, avec cette éloquente énergie de conviction qui ne s’est pas relâchée un seul instant depuis, apparut tout d’un coup au siècle en 1817 par son premier volume de l’Essai sur l’indifférence ; les deux ou trois écrits qu’il avait publiés auparavant l’avaient laissé à-peu-près inconnu. Une grande confusion, à cette époque, couvrait l’état réel des doctrines ; l’émotion tumultueuse des partis pouvait donner le change sur le fond même de la société. M. de La Mennais ne s’y méprit pas. Il pénétra plus avant, et, sous les haines politique déchaînées, il vit indifférence religieuse dans la masse, indifférence dans le pouvoir, indifférence même dans toute cette portion considérable du clergé et du royalisme qui mettait le temporel en première ligne. Du milieu de cette immense langueur, de cette espèce d’atonie à nombreuses nuances, il séparait, en l’exagérant, la faction philosophique issue du dix-huitième siècle, la Révolution antagoniste, selon lui, du christianisme, et endoctrinant contre Dieu le peuple. En cecit, les suites l’ont bien prouvé, M. de La Mennais se trompait de plusieurs façons. Outre qu’il ne discernait pas alors le côté sensé, pur et légitime de l’opposition libérale, et lui faisait injure sur ce point, il lui faisait trop