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HENRY FIELDING.

lège d’Eton, où il puisa de bonne heure un amour sérieux pour les deux antiquités classiques. Destiné par son père au barreau, il fut envoyé à Leyde pour étudier la jurisprudence, et tous ses biographes affirment d’un témoignage unanime, qu’il se livra à cette étude avec une ardeur assidue. Au bout de quelque temps, il possédait tout le savoir et toute l’habileté nécessaires pour faire un excellent avocat. Une circonstance imprévue dérangea tous ses projets et tout son avenir. Son père, chargé d’une nombreuse famille, et d’ailleurs insouciant sur la conduite de ses affaires, ne lui fit pas parvenir à temps la somme nécessaire pour continuer ses études. Fielding fut obligé de quitter Leyde et de revenir à Londres, à peine âgé de vingt ans. Si le général eût été un homme rangé, ménager de son bien, et sérieusement occupé de l’éducation de ses enfans, les plaideurs d’Angleterre auraient eu un avocat de plus ; mais nous n’aurions pas Tom Jones.

Livré à lui-même, libre de toute surveillance, abandonné au milieu de toutes les dissipations et de tous les dangers d’une grande capitale, Fielding contracta sans peine et bien vite des habitudes ruineuses et déréglées. Son père, il est vrai, lui avait promis une pension annuelle de 200 livres sterling ; mais, comme Fielding le dit lui-même quelque part, la payait qui voulait. Dès ce moment, à l’âge de vingt ans, il commença une lutte qui a duré jusqu’à la fin de sa vie, pendant vingt-huit ans, une lutte énergique et courageuse contre la misère et la détresse.

À cette époque le théâtre avait exercé le talent de Wicherley, de Congreve, de Vanburgh et de Farquhar. N’ayant d’autre alternative, comme il le dit lui-même, que d’être écrivain ou cocher de louage, Fielding travailla d’abord pour la scène, et dans l’espace de neuf ans, de 1727 à 1736, il fit représenter successivement, et sans trop d’éclat, dix-huit comédies ou farces, aujourd’hui complètement oubliées, à l’exception peut-être de la tragédie burlesque de Tom Thumb, qu’on relit quelquefois, de l’Avare et du Médecin malgré lui, imitées de Molière, et de la femme de Chambre intriguante, empruntée à Destouches.

À quoi faut-il attribuer l’évidente médiocrité des ouvrages