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vince de Varinas. — Les Llanos de Varinas consistent en une grande étendue de terres basses, situées entre l’Orénoque et l’Apuri, et ne sont pas cultivées. Dans toutes les directions et aussi loin que la vue peut s’étendre, croît une herbe très haute qui sert de pâture à d’innombrables troupeaux de bœufs et de chevaux. Ce sont les descendans de ceux que les Espagnols introduisirent dans l’Amérique du Sud après la conquête, car les habitans n’avaient en fait d’animaux domestiques, avant cette époque, que le llama et le guanaco, et, en fait de sauvages, aucun autre que le danta, espèce de tapir. Les bœufs et les chevaux se sont tellement multipliés, qu’on en trouve en abondance depuis la Californie jusqu’à la Patagonie. Dans les Llanos de Venezuela particulièrement, et dans les pampas de Buénos-Ayres, où la richesse des pâturages et l’étendue des plaines sont immenses, leur nombre est incalculable.

« Ils étaient si nombreux dans quelques endroits, qu’un détachement de cavalerie était obligé de précéder l’armée en marche, pour faire jour à l’infanterie et à l’artillerie. Ces hordes de chevaux offrent un beau spectacle quand l’arrivée d’une armée vient répandre l’alarme au milieu de leurs déserts. Au lieu de fuir comme les cerfs et les animaux timides, ils galopent autour des étrangers, sur une masse compacte de plusieurs milliers à la fois, comme pour les reconnaître, et s’avancent hardiment à quelques pas de la ligne, où ils s’arrêtent à examiner les troupes, soufflant avec bruit à travers leurs naseaux, et montrant leur étonnement et leur déplaisir, surtout à la vue de la cavalerie. Ces immenses troupeaux sont toujours conduits par quelques chefs, vieux et robustes, dont les crinières flottantes et les longues queues indiquent assez qu’ils n’ont jamais été soumis à l’homme ; les jumens et les poulains se tiennent sur le dernier rang. Il y a aussi des troupeaux d’ânes, de cochons et de chiens sauvages. Ces derniers sont devenus si nombreux en certains endroits, qu’ils inspirent des craintes aux voyageurs isolés ; ils sont de l’espèce chien-tigre de Cumana, si renommé pour défendre les troupeaux contre les panthères et les jaguars.

« Comme il n’y a pas de chemins dans les plaines, un étranger