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SCÈNES HISTORIQUES.

déploient presque toujours les gens de guerre, quand ils ont affaire aux bourgeois.

Au moment où les gardes avaient paru, tout le monde, comme nous avons dit, avait cherché à fuir, à l’exception d’un jeune homme couvert de poussière, qui, depuis quelques minutes seulement, s’était mêlé à l’attroupement : il s’était contenté de se retourner du côté de la porte contre laquelle il s’était appuyé, et introduisant la lame de son poignard entre le pêne de la serrure et le mur, il avait, en l’employant comme un levier, fait céder la porte, était entré dans l’allée et l’avait refermée sur lui. Puis, dès que le bruit des chevaux, qui allait s’affaiblissant, lui eut appris que le danger était passé, il avait rouvert cette porte, avancé la tête sur la place ; et voyant qu’à l’exception de quelques mourans qui râlaient, elle était libre, il avait pris tranquillement la rue des Cordeliers, qu’il descendit jusqu’au rempart Saint-Germain, et, s’arrêtant devant une petite maison, qui y attenait, il pressa un ressort caché dont le jeu la fit ouvrir.

— Ah ! c’est toi Perrinet, dit un vieillard.

— Oui, mon père, je viens vous demander à souper.

— Sois le bien-venu, mon fils.

— Ce n’est pas tout, mon père, il y a une grande émeute parmi la populace de Paris, et les rues sont mauvaises de nuit. Je voudrais coucher ici.

— Eh bien ! répondit le vieillard, n’y as-tu pas toujours ta chambre et ton lit, ta place au foyer et à la table ? et m’as-tu jamais entendu me plaindre que tu les vinsses prendre trop souvent.

— Non, mon père, dit le jeune homme, en se jetant sur une chaise, et en appuyant sa tête dans ses mains ; non, vous êtes bon et vous m’aimez.

— Je n’ai que toi, mon enfant, et tu ne m’as jamais fait aucun chagrin.

— Mon père, dit Perrinet en se levant, je me sens souffrant ; permettez que je me retire dans ma chambre, je ne pourrais pas souper avec vous.

— Va, mon fils, tu es libre, tu es chez toi.