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SCÈNES HISTORIQUES.

le tuer au moins, que tu me demandes sa vie, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Et tu lui diras à l’heure de sa mort que je lui prends son Paris, sa capitale, en échange de l’existence de mon amant qu’il m’a prise — troc pour troc, tu le lui diras, j’espère.

— Pas de condition, dit Leclerc.

— Pas de sceau alors, dit la reine, en repoussant le parchemin.

— Je le lui dirai ; faites vite.

— Sur ton âme !

— Sur mon âme !

La reine reprit la plume, et écrivit en continuant :

« Cédons à Perrinet Leclerc, vendeur de fer au Petit-Pont, notre droit de vie et de mort sur le comte d’Armagnac, connétable du royaume de France, gouverneur de la ville de Paris ; renonçant à tout jamais à réclamer aucun droit sur la personne et la vie dudit connétable. »

Elle signa, et appliqua le sceau à côté de la signature.

— Tiens, dit-elle, en présentant le parchemin.

— Merci, répondit Leclerc en le prenant.

— C’est infernal ! s’écria Charlotte.

La jeune fille, blanche et pure, semblait un ange forcé d’assister au pacte que font entre eux deux démons.

— Maintenant, ajouta Leclerc, un homme d’exécution avec lequel je puisse me concerter et m’entendre ; noble ou vilain, peu m’importe, pourvu qu’il ait pouvoir et volonté.

— Appelle un valet, Charlotte.

Charlotte appela ; un valet parut.

— Dites au seigneur Villiers de l’Île-Adam que je l’attends à l’instant même, et ramenez-le ici.

Le valet s’inclina et sortit.

L’Île-Adam, fidèle à son vœu, s’était jeté sur le parquet, tout habillé dans son manteau de guerre, il n’eut donc qu’à se lever pour être en état de paraître devant la reine.

Cinq minutes après il se trouvait en sa présence.

Isabeau s’avança vers lui, et sans faire attention à son salut respectueux :