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NOTES

La scène qu’on vient de lire n’est point historique ; les principaux détails le sont pourtant. Le drame appartient à l’auteur. Le fait sur lequel il est fondé se reproduisit deux fois au commencement de la restauration, sur des navires partis du Havre, l’un en 1816, l’autre en 1817. Le second de ces bâtimens était un brick nommé la Jeune Sophie, commandé par M. Devaux. Il allait aux îles de France et de Bourbon. Le premier était aussi un brick dont je ne sais pas le nom ; il se rendait à la Havane. L’incendie de la Jeune Sophie eut lieu dans des circonstances plus terribles encore que celles où j’ai placé la Julie. La mer était très mauvaise ; les vents menaçaient le bâtiment dans sa mâture, que le feu travaillait par en bas, et dans sa voilure, qui ne pouvait pas être changée, parce que les voiles de rechange avaient été enfermées avec le reste dans l’entrepont. Quatre jours après celui (5 août 1817) où l’incendie éclata, les bordages étaient réduits à une épaisseur de trois lignes environ ; ils avaient perdus plus de trois pouces et demi. Le capitaine Devaux, qui était à cent lieues de toute terre quand le feu se manifesta à son bord, se décida à aller chercher la Trinité, île déserte qui ne pouvait offrir aucune ressource aux naufragés, mais sur laquelle on débarquerait pour se sauver de la mort, que tout rendait imminente. Le 10 août, à quatre heures du soir, il fit côte, en effet, dans une des baies de l’île, et saborda son navire à la flottaison, pour le remplir d’eau et éteindre l’incendie. Le bâtiment fut brisé par les vagues. Treize personnes qui n’avaient pu mettre encore le pied sur le rocher de la Trinité, se jetèrent dans la chaloupe, à-peu-près sans vivres, et y restèrent deux jours, n’ayant plus pour se nourrir qu’un peu de beurre salé infecté par le vitriol. Le 20 août, le capitaine, son lieutenant M. Girette, M. d’Amerval l’armateur de la Jeune Sophie, et cinq matelots, se décidèrent à tenter les chances d’une pénible navigation pour aller à Rio-Janeiro demander du secours pour leurs compagnons qu’ils laissaient sur l’île. La chaloupe franchit heureusement les deux cent quarante lieues qu’elle avait à faire, malgré les