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DE L’ALLEMAGNE
ET
DE LA RÉVOLUTION.[1]
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Un état peut être amené à une telle condition qu’il n’y ait rien à en dire sans paraître accuser à-la-fois le pouvoir qui l’a faite et le pays qui la supporte. Dans ces époques sans espoir, il faut se taire. Au contraire, il est des temps où, sous une apparence de ruines, se prépare pour un peuple une meilleure fortune. Alors il faut parler. Ces temps, ce sont les nôtres. Si la destinée de la France était de demeurer ce qu’elle est aujourd’hui, il ne nous resterait, pour nous, rien à faire qu’à effacer de nous-mêmes ce que nous avons vu du reste de l’Europe, et à endormir solitairement, comme nous pourrions, notre pays sur sa défaite. Nous nous enfermerions avec lui dans sa chute, et nous y trouverions encore de quoi nous abuser jusqu’à la fin. Mais si la fatalité qui nous tient depuis un siècle par la main, nous éclaire de plus en plus notre marche à nous tous, peuple, gouvernement, monarchie, démocratie ; si, après y avoir mieux pensé ; si, après des séjours et des observations prolongées hors de France, il devient manifeste que ce qui est aujourd’hui notre faiblesse sera plus tard notre force ; que de notre infirmité naîtra notre puissance, et que tout le péril reste pour le pouvoir actuel, qui cherche

  1. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir sur la tendance politique de cet article, il nous a paru utile de le faire connaître à nos lecteurs, à cause des observations locales et des faits qu’il contient. Il sera d’ailleurs publié séparément chez Paulin, place de la Bourse.
    N.d.R.