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VOYAGE DANS LA TARTARIE, ETC.

religieux, leur confrères, dans ces provinces où le Bouddhisme dominait depuis son origine, les honneurs qu’on leur rendait, les donations en terres, en maisons, en bestiaux qu’ils recevaient dans chaque état des chefs de famille, des grands et du roi lui-même. Celui-ci leur offrait des alimens de sa propre main, déposant sa tiare en leur présence et se levant de son trône pour les recevoir. Un de ces princes qui portait le titre de souverain du monde, titre très ordinaire chez les Orientaux, avait donné trois fois de suite aux religieux toutes les terres de son empire, et les avait rachetées trois fois, on ne dit pas avec quels deniers. Rien n’égale la richesse des monastères, la somptuosité des ornemens du culte des cérémonies qui se pratiquaient dans les principales villes. On promenait des statues dorées sur des chars hauts de trente à quarante pieds, couverts de dais et de pavillons d’étoffes précieuses ; entourés de banderoles et de lanternes. L’air était embaumé des parfums qui brûlaient autour des temples, des fleurs que l’on répandait sur les images des dieux. Au milieu de ces pompes, les Samanéens étaient si modestes, si graves, si attentifs à leurs devoirs, si rigides observateurs des lois de la décence et de la religion, qu’un des voyageurs chinois ne put se résoudre à les quitter. Il jura qu’alors même qu’en vertu des lois de la métempsycose, il atteindrait un jour à la dignité divine, il voudrait passer ses jours au milieu de ces saints personnages, et en attendant, il se fixa parmi eux, laissant ses compagnons achever leur voyage et retourner sans lui dans une patrie qui était loin de lui offrir des spectacles aussi édifians.

Les pèlerins, ayant épuisé tous les objets qui les intéressaient au nord du Gange, vinrent à Patna et à Bénarès, deux villes célèbres où ils avaient beaucoup de choses à apprendre en fait de langues, de littérature sacrée, d’idéalisme abstrait et de pratiques superstitieuses. Bénarès, si renommée de nos jours comme une antique école de la sagesse des Brahmanes, était visitée à cette époque par les Samanéens, qui plaçaient dans le Parc-des-Cerfs, au nord de la ville, le théâtre de la première prédication de Bouddha. Patna, alors nommé Patallipoutra, était la ville la