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REVUE DES DEUX MONDES.

de l’éducation publique considérée dans ses rapports avec le développement des facultés, la marche progressive de la civilisation et les besoins actuels de la France, par F.M.L. Naville, M.D.S.E., in-12.[1]

Ce noble plaidoyer en faveur de l’éducation publique a remporté le prix proposé par la société des méthodes d’enseignement sur une question analogue, et certes jamais thèse si grave ne fut soutenue avec plus de conviction, plus de conscience. Le titre de l’ouvrage indique la marche de l’auteur. Établissant d’abord cette vérité si simple, que l’homme n’a pas des facultés pour les enfouir, M. Naville montre comment l’exercice, le développement de ces facultés natives sont nécessaires, non-seulement à l’individu, mais au pays, mais à la société tout entière. L’homme n’est pas un être isolé, un enfant trouvé de la création, jeté dans le monde sans but, sans liens, sans destinée ; la nature lui trace elle-même ses devoirs et sa destination ; or, la nature se venge toujours des outrages faits à ses lois. Et que d’outrages n’ont-elles pas reçus, ne reçoivent-elles pas chaque jour dans ce qu’elles ont de plus sacré, de plus noble, l’éducation. Presque partout l’intelligence publique, comme une terre en friches que l’incurie du maître frappe de stérilité, presque partout l’intelligence publique est livrée en pâture aux superstitions et aux préjugés de l’ignorance.

Et, pour ne parler que de la France, à qui cet ouvrage est spécialement destiné, et où sur trente mille communes la moitié à peine a des écoles, n’est-il pas honteux de voir l’éducation se débattre encore dans ses langes, garrottée qu’elle est dans les entraves du monopole et de la routine. L’éducation primaire surtout, cette base de toute stabilité sociale, cette garantie de toute moralité publique, n’est-elle pas dans un état déplorable ? Elle manque de la liberté qui féconde et vivifie tout.

C’est contre de si criants abus que M. Naville proteste de toute la force de ses convictions, avec toute l’autorité de ses lumières. La nécessité de l’éducation nationale une fois établie, et les sophismes de l’ignorance sapés dans leurs bases, dans l’intérêt de l’industrie, du commerce, du gouvernement, l’auteur attaque les méthodes actuelles et en propose de rationnelles, fondées sur la nature même des choses qui, développant les facultés dans leur ordre de naissance et de succession, les mette en état de marcher ensuite de front à la conquête du bonheur et de la vérité. Ce n’est pas qu’il veuille remplir le monde de pédans en us, loin de là ; il distingue les connaissances en théoriques et pratiques, et admet différens degrés suivant la vocation de chacun : ainsi le maçon ne saura pas les mathématiques comme l’astronome, mais il en saura ce qui lui en faut pour exercer sa profession avec intelligence. Des exemples nombreux donnent à ses paroles une nouvelle autorité. L’état moral et politique des deux Amériques lui fournit des points de comparaison d’un intérêt actuel. Voyez

  1. Paris, Audin, quai des Augustins, n. 25.