Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
136
REVUE DES DEUX MONDES.

vrai, des recueils savans, des relations pleines d’intérêt ; où des voyageurs décrivent les principaux objets remarqués dans de lointaines contrées, lorsqu’elles conservaient encore leur caractère, leur aspect originels ; plusieurs de ces curiosités sont même figurées dans quelques atlas ; mais de telles recherches, restreintes à un petit nombre de localités, ne sont complètes pour aucun peuple, et ne suffiraient pas pour combler le vide qui va s’étendre. Le temps est venu de songer un peu à la postérité ; il serait sans excuse, dans notre époque si remarquable de transition, où le globe entier achève de passer de la barbarie aux mœurs civilisées, de ne pas mettre à profit les courts instans qui nous restent pour transmettre aux âges les plus reculés la fidèle image de l’état des peuples pendant les derniers siècles.

Mais sur quelles preuves s’appuieront ces souvenirs que nous devons léguer ? Quels récits, quelles dissertations, quelles peintures même pourraient subir l’examen des œuvres des nations qui passent ? Combien de doutes dont l’historien est agité seraient détruits, si un musée de l’industrie des anciens habitans de la terre avait pu braver les siècles. La science a retrouvé dans des climats conservateurs, jadis habités par des peuples qui réunirent de grandes lumières, des monumens domestiques de leur civilisation ; l’Égypte surtout, et Portici ont offert aux regards des modernes le passé pris sur le fait. Mais, dans tous ces trésors dérobés aux ravages du temps, que nous reste-t-il pour constater la gradation et les périodes stationnaires de l’industrie des anciens peuples ?

Heureux de pouvoir léguer à l’avenir quelques débris qui attestent les grands progrès de nos devanciers, dont nous voudrions en vain étudier l’expérience dans tous ses détails, préparons à nos neveux des notions plus étendues que les nôtres. Parmi les monumens fragiles, pour la plupart, que nous voulons préserver de l’oubli et de la destruction, les uns nous ont servi de modèles, les autres disparaissent successivement devant la supériorité de nos échanges.

Il serait trop tard peut-être pour remplir ce devoir, si à différentes époques, il n’avait pas été rapporté en Europe et particulièrement en France, un nombre d’objets curieux des contrées les plus lointaines. Épars dans les bibliothèques et les musées de diverses villes, dans les cabinets de quelques amateurs instruits, pour être relégués dans les réduits les plus obscurs des garde-meubles de leurs héritiers, plusieurs d’entre eux n’offrent plus qu’une origine douteuse, et il faudra créer pour leur classement un genre nouveau d’érudition. Souvent mal apprécié de leurs possesseurs, réduits quelquefois au rang des jouets d’enfans, chaque année voit diminuer leur nombre et s’accroître à mes dépens quelques collections particulières de l’Angleterre et de l’Allemagne.

La création d’un musée ethnographique n’offre en perspective au gouvernement aucune difficulté sérieuse, et ne menace pas même de dispendieuses conséquences. Il suffit de désigner dans l’un de nos édifices publics un vaste local parmi ceux qui attendent une destination utile, de préparer des instructions pour les voyageurs du gouvernement, comme pour nos savans officiers de marine, et surtout de faire un appel à la générosité des possesseurs actuels