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grés de l’escalier, s’était arrêté au milieu, son crucifix à la main. Aux frémissemens, aux rumeurs du peuple, un profond silence avait de nouveau succédé. Le confesseur allait prêcher. Certes, la chaire était belle ! L’éloquence était là facile et toute faite !

L’allocution du père Antonio fut simple et attendrissante. Il raconta d’abord en peu de mots la vie, la tentation et la faute de Guzman, et, sans le vouloir, ce fut bien moins contre lui qu’il s’éleva, que contre les juges et la loi qui l’avaient condamné. Puis, s’adressant à la foule qui l’environnait : — « Que ce dur et terrible exemple vous profite au moins, ô mes frères, s’écria-t-il ; que l’avertissement vous soit salutaire, car, vous tous qui êtes venus voir mourir ici votre frère, rentrez en vous-mêmes, examinez-vous, interrogez vos consciences, puis répondez ; répondez dans toute la sincérité de vos âmes, répondez : en est-il un seul parmi vous qui ne se sente et ne se confesse lui-même aussi coupable, plus coupable que ce malheureux ? Qui de vous ne s’est approprié une plus forte part du bien d’autrui ? Qui de vous n’a pas fait à son prochain plus de tort, soit que, par des larcins habiles et ténébreux, il le frustrât de sa fortune et de son héritage, soit qu’il lui dérobât un trésor plus précieux encore, son plus inestimable joyau, l’honneur, ce patrimoine de l’âme ! Oh ! je vous en supplie, mes frères ; je vous en conjure, au nom du salut éternel de ce malheureux qui vivait comme vous, il n’y a qu’un instant, et dont le cadavre est là maintenant, flottant sous mes pieds ; je vous en conjure au nom de ce Dieu qui voulut aussi mourir supplicié comme un criminel, afin de racheter par cette mort votre vie immortelle ; je vous en conjure, que ce sacrifice n’ait point été stérile pour vous, non plus que cet enseignement terrible que vient de vous donner l’exécuteur de vos lois. Songez que la main de fer de cet homme peut vous surprendre demain au milieu de votre crime, et vous traîner à votre tour au haut de cette échelle. Désertez donc dès aujourd’hui le péché ! Rentrez, il en est temps encore, dans la sainte voie, et n’en sortez plus. Que tout bien d’autrui, or ou réputation, vous demeure sacré ! Et ne vous contentez pas cependant de cette