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LA HORCA.

petite cour dans laquelle tous les prisonniers étaient en ce moment rassemblés. On ouvrit la croisée, on y plaça le jeune homme, de manière à ce qu’il pût leur parler. C’est encore un usage. Le condamné qui quitte la prison pour marcher au supplice, doit adresser, s’il se peut, aux détenus quelques mots d’exhortation, ou du moins prendre congé d’eux, despedirse. — Voyez que de politesse et de savoir-vivre dans une geôle ! — Le jeune homme n’eut de force que pour leur envoyer un adieu, un dernier adieu ! Encore le dit-il d’une voix si basse qu’aucun d’eux sans doute ne l’entendit. — Ils le comprirent du moins. Ils savaient trop bien où allait le malheureux. Ne l’osant regarder, ils restaient là, debout, mornes et silencieux, la tête baissée ! — C’est que le même sort attendait la plupart d’entre eux ! — Ils le suivraient bientôt peut-être !

On se remit en marche. Au vestibule de la prison, avant que la porte en fût ouverte, avant que l’on sortît, il fallut encore que le jeune homme s’agenouillât devant une sainte Vierge qui est là placée dans une niche, et qu’il lui récitât une sorte d’allocution, de prière, dont les paroles lui furent dites à l’oreille par son confesseur. — Et en même temps, s’élevèrent une fois encore, lugubres et déjà lointaines, les voix des prisonniers qui chantaient le dernier salve, — leur adieu aussi :

— « Vierge miséricordieuse, prenez pitié du condamné qui va mourir, et priez votre fils bien aimé de lui pardonner dans l’autre vie ! »

Et en même temps aussi, je m’écriai involontairement : — « Vierge miséricordieuse, est-ce que pour intercéder au ciel, vous demandez de pareilles prières ? »

On détacha des pieds du patient les fers qui les enchaînaient encore. Et toi, pauvre âme, on allait bientôt aussi briser les tiens ; — mais de quelle façon, mon Dieu ! »

Déjà le cortége du condamné attendait à la porte ; elle s’ouvrit. Le bourreau parut ; il tenait un âne par la bride, un âne leste, vif et élégant, celui qui allait mener le patient au lieu du supplice. On fit enfourcher au jeune homme la monture,