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LA HORCA.

sur eux de tout son poids. — Vivaient-ils cependant encore eux-mêmes ? N’avaient-ils pas succombé à des épreuves plus fortes que les forces humaines ! Pepe, Mariquita, malheureuses créatures ! Lequel des deux était mort déjà ? Qui serait veuf le premier ? Jose peut-être ! Peut-être aurait-il ce supplice de plus avant le dernier ! — J’avais besoin de savoir où ils en étaient de leurs maux. Hélas ! puisque je ne pouvais ni les leur adoucir, ni les en consoler, cette curiosité n’était que barbare. Il fallut pourtant la satisfaire. Ah ! sans doute un mauvais instinct me poussait. J’allais cherchant malgré moi des spectacles de misère et d’agonie. Était-ce donc dépravation de cœur ? Les boucheries de la place des Taureaux, auxquelles j’avais pris goût, m’avaient-elles donc si fort endurci l’âme, que les sources de la pitié fussent taries en moi ? Avais-je besoin désormais d’émotions perverses et inhumaines ? S’il me les fallait ainsi, je dus être content. Ce que j’en éprouvai durant cette dernière journée passe toute idée. Que j’aie trouvé de la force et du courage pour les supporter, c’est ce que je n’ose comprendre. D’où me venait donc tant de constance, tant de magnanimité à voir souffrir ? —

À huit heures du matin, je me rendis à la prison, et j’entrai à la capilla. Je trouvai le frère Pedro dans la première chambre : il était assis, triste et abattu. — Il m’apprit que, la veille, Guzman, ayant repris connaissance, avait montré plus de calme et de résignation qu’on ne l’avait espéré : il n’avait même pas parlé de Mariquita avant le salve du soir ; mais ce cruel avertissement ravivant sans doute en sa mémoire affaiblie le souvenir de la terrible scène du mariage, il avait demandé tristement s’il ne reverrait plus sa femme. — On lui avait d’abord ôté là-dessus tout espoir ; puis on lui avait dit que d’ailleurs, lors même qu’une nouvelle entrevue pourrait être permise, la première épreuve avait été déjà bien forte pour la pauvre enfant, et que peut-être ne résisterait-elle pas à une seconde. — Il avait baissé la tête et n’avait pas répondu. — Vers dix heures du soir, le frère Pedro avait déclaré au condamné que la confrérie de paz y caridad mettait à sa disposition une somme de 500 réaux, dont il pouvait disposer, ainsi que de tout ce qui lui appartenait, en faveur