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LA HORCA.

IV.
ENTRETIEN AVEC LE FRÈRE PEDRO.

On m’avait d’abord ôté tout espoir. Il n’y avait ni grâce ni commutation de peine à attendre ; il n’y fallait plus songer. — J’aurais dû fuir, bien plutôt que rechercher le spectacle de tant de misères, puisque ma stérile pitié ne pouvait rien pour les soulager. Poussé cependant, je le confesse, par je ne sais quelle inquiète et cruelle curiosité, je revins le soir à la prison. Il faisait presque nuit. Au moment où j’entrais à la capilla, les prisonniers entonnèrent le même salve que j’avais entendu le matin.

— « Vierge miséricordieuse, prenez pitié de notre frère qui va mourir, et priez votre fils bien-aimé de lui pardonner dans l’autre vie. »

À ces lugubres voix qui me saluaient d’abord, je sentis toute mon âme se glacer ! — j’aurais voulu n’être pas venu ! — je songeais à me retirer ; mais le frère Pedro, qui m’avait aperçu, me prit à part dans un coin de la première chambre de la capilla. Il me raconta ce qui s’était passé en mon absence. — Guzman avait consenti à prendre quelque nourriture. Redevenu calme et parfaitement résigné, il avait montré une grande piété, et cédant sans difficulté à la prière du père Antonio (le capucin se nommait ainsi), il s’était confessé. — Mais ayant avoué dans sa confession, qu’il vivait en concubinage avec une jeune fille, et le père Antonio lui ayant aussitôt demandé s’il se prêterait volontiers à ce qu’un mariage célébré dans la capilla même, sanctifiât cette liaison coupable, Guzman, loin de laisser voir aucune répugnance à cette proposition, l’avait au contraire accueillie avec une sorte de joie, et il avait déclaré que si sa maîtresse y consentait, ce mariage lui donnerait la seule consolation humaine qu’il pût espérer encore. —

Ce projet d’union dans la capilla, — dans une tombe, — me