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LA HORCA.

me tuerez vite, dans la crainte que je ne retombe dans le péché, — n’est-ce pas vrai ?

« — Jésus ! quel blasphème ! mon frère. Nous, pauvres pécheurs comme vous, sommes-nous pour quelque chose dans vos peines ? Que voulons-nous, hélas ! si ce n’est vous consoler un peu et vous aider à porter votre croix ? » —

Ces paroles étaient vraies et touchantes. Cet homme simple savait ces mots qui vont du cœur au cœur : c’était bien un homme de paix et de charité. J’ai retenu son nom : il s’appelait Pedro.

« — Frère Pedro, soyez béni !

« — Eh bien ! dit le jeune homme d’une voix douce et triste, et toute amertume déjà loin de son âme ; eh bien ! que faire ?

« — Choisissez votre confesseur, mon frère ; vous pouvez le prendre dans l’ordre de religieux auquel vous aurez le plus de dévotion.

« — Oh ! mon Dieu ! peu importe ! faites venir qui vous voudrez. »

Le frère Pedro sortit. Guzman, la tête dans ses mains, s’accouda sur le pied du lit. Je n’osais lui parler. Qu’aurais-je pu lui dire, hélas ! — L’un des frères, qui était demeuré avec nous se taisait aussi. Qu’aurait-il pu dire lui-même ? — Hélas ! il songeait à bien autre chose, l’excellent frère ! — Il roulait dans ses doigts, avec un soin extrême de petits cigarritos de papier, qu’il faisait fort vite et fort habilement, les mettant dans sa petaca[1], à mesure qu’il les finissait.

Au bout d’un quart d’heure, le frère Pedro rentra, accompagné d’un capucin : c’était un vieillard à la tête vénérable, à la longue barbe blanche et aux cheveux blancs. Sa belle figure était doucement radieuse, comme celle du saint François de Paule, en contemplation, de Murillo. Il vint s’asseoir d’abord auprès du jeune homme et l’embrassa ; puis il nous fit signe de le laisser seul, avec lui.

Je sortis avec les deux frères. Je retrouvai les quatre autres dans la première chambre de la capilla, causant fort tranquil-

  1. Étui à cigares.