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LITTÉRATURE.

darde au visage une vapeur suffocante dont la chambre est bientôt enveloppée ; et lorsque cette vapeur se dissipe, la muraille au-dessus de la cheminée se fend en deux, et découvre aux regards stupéfaits de Théodore un palais tout resplendissant des merveilles d’un luxe magique.

Rien, dans ce singulier palais, n’était inanimé : le velours et la soie, teints des couleurs de la pourpre, ruisselaient le long des murs, et inondaient le tapis des salles comme deux sanglantes avalanches ; l’or retombait en franges, et se jouait à l’entour comme sur les flots les rayons du soleil.

Les fleurs des tapisseries se balançaient, comme celles des champs, au souffle des brises, et exhalaient comme elles une haleine embaumée. — Les oiseaux que l’aiguille du divin artiste avait groupés autour d’elles faisaient entendre d’harmonieux concerts. — Les fruits les plus savoureux se penchaient d’eux-mêmes vers la main de Théodore, qu’ils invitaient à les cueillir.

Et le rossignol lui disait : — « Viens, bon Théodore, viens écouter de plus près ma voix mélodieuse ; viens t’enivrer, en l’entendant, d’amour et de volupté. »

Et la rose lui disait : « Viens, gentil Théodore, viens sentir de plus près mon calice embaumé ; vois, il s’incline languissamment vers toi ; viens t’enivrer, en le respirant, d’amour et de volupté ! »

Et la pêche lui disait : « Viens, mon joli petit Théodore, viens admirer de plus près mes grosses joues vermeilles ! viens déposer un baiser sur leur moelleux duvet, et que ce baiser t’enivre d’amour et de volupté ! »

Et tous, oiseaux, fleurs et fruits, répétaient en chœur : « Entre, Théodore, entre ! viens voir notre maîtresse, la maîtresse de ce palais enchanté ! C’est elle qui nous donne notre voix, nos parfums, notre saveur ! » — « Où est-elle, s’écrie Théodore hors de lui ? Ou est-elle ? que je dépose à ses pieds l’hommage respectueux de mon amour ! » et il s’élançait pour entrer dans le palais, et les fleurs et les fruits encensaient l’air de plus de parfums, et les oiseaux le ber-