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LES FEUILLES D’AUTOMNE.

Il espère ; et, loin, dans ces trois sombres voies,
Il écoute, pensif, marcher le genre humain !

Et pourtant il s’était écrié autrefois dans les Actions de grâces rendues au Dieu qui avait frappé d’abord, puis réjoui sa jeunesse :

J’ai vu sans murmurer la fuite de ma joie,
Seigneur, à l’abandon vous m’aviez condamné.
J’ai sans plainte au désert tenté la triple voie,
Et je n’ai pas maudit le jour où je suis né.

Voici la vérité qu’au monde je révèle :
Du ciel dans mon néant je me suis souvenu.
Louez Dieu ! La brebis vient quand l’agneau l’appelle ;
J’appelais le Seigneur, le Seigneur est venu.

Nous avons essayé de caractériser, dans la majesté de sa haute et sombre philosophie, ce produit lyrique de la maturité du poète ; mais nous n’avons qu’à peine indiqué le charme réel et saisissant de certains retours vers le passé, les délicieuses fraîcheurs à côté des ténèbres, les mélodies limpides et vermeilles qui entrecoupent l’éternel orage de la rêverie. Jamais jusqu’ici le style ni le rhythme de notre langue n’avaient exécuté avec autant d’aisance et de naturel ces prodiges auxquels M. Victor Hugo a su dès long-temps la contraindre ; jamais toutes les ressources et les couleurs de l’artiste n’avaient été à ce point assorties. Exquis pour les gens du métier, original et essentiel entre les autres productions de l’auteur qu’il doit servir à expliquer, le recueil des Feuilles d’Automne est aussi une parfaite harmonie avec ce siècle de rénovation confuse. Cette tristesse du ciel et de l’horizon, cette piété du poète réduite à la famille, est un attrait, une convenance, une vérité de plus, en nos jours de ruine, au milieu d’une société dissoute, qui se trouve provisoirement retombée à l’état élémentaire de famille, à défaut de