— « Soyez tranquille, mademoiselle Dorothée, vous connaissez mon exactitude. »
— « Surtout, monsieur Geisler, n’oubliez pas de mettre des roulettes à tous les meubles. »
Le tapissier n’était qu’à deux cents pas, elle courut chez le tapissier. « Bonjour, mademoiselle Dorothée ; je vous croyais malade, mademoiselle Dorothée. Qu’y a-t-il pour votre service, mademoiselle Dorothée ? »
— « Montrez-moi des étoffes pour meubles et rideaux. »
— « Quand faudra-t-il poser le tout, mademoiselle Dorothée ? » — « Samedi matin, sans faute. » — « Il suffit, mes ouvriers seront chez vous samedi matin de très bonne heure. »
Elle retournait en toute hâte chez elle, l’ivresse du bonheur précipitant son pas, lorsque, place de l’Opéra, elle s’entendit appeler par son nom. — « Bonjour, mademoiselle Dorothée, comme vous passez fière devant le pauvre monde, mademoiselle Dorothée ; est-ce que monsieur votre frère ne se commande plus rien chez nous, mademoiselle Dorothée ? nous avons en ce moment une superbe partie de drap abricot. »
— « C’est une couleur qui sied bien aux blonds, n’est-ce pas, monsieur Fussmann ? » — « On ne peut mieux, mademoiselle Dorothée, et cette année particulièrement, l’abricot est très-bien porté. » — « Faites-lui-en un habillement complet, monsieur Fussmann ; habit, gilet, pantalon et redingotte, et apportez-moi le tout samedi matin, sans faute. »
— « À samedi, c’est convenu, mademoiselle Dorothée, » dit monsieur Fussman, et il remit ses lunettes. »
Comme les heures furent lentes qui précédèrent ce mémorable samedi ! Dorothée ne vivait plus. Son mobilier futur lui défilait pièce à pièce dans la tête. — Un bruit de roulettes tourbillonnait incessamment dans ses oreilles. — Ses magnifiques rideaux de soie cramoisie se déroulaient majestueusement devant ses yeux. — La nuit, il lui semblait qu’elle était éveillée. — Le jour elle croyait dormir : elle se levait avec l’aurore pour prendre des mesures, pour combiner des