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SCÈNES HISTORIQUES.

Oui, je comprends : il est doux de ne pas se séparer un instant de la personne qu’on aime.

Charlotte se jeta à genoux en baisant les mains de la reine, dont la figure, habituellement si hautaine, était en ce moment d’une douceur angélique.

— Oh ! que vous êtes bonne ! dit-elle. Oh ! que je vous remercie ! Que Dieu et monseigneur saint Charles étendent leurs mains sur votre tête !… Merci, merci… Qu’il sera heureux !… Permettez que je lui donne cette bonne nouvelle.

— Il est donc là ?

— Oui, dit-elle avec un petit mouvement de tête ; oui, je lui avais dit hier que le chevalier serait probablement nommé gouverneur de Vincennes, et cette nuit il a pensé à ce que je viens de vous dire, de sorte que ce matin il est accouru pour me parler de ce projet.

— Et où est-il ?

— À la porte, dans l’antichambre.

— Et vous avez osé ?…

Les yeux noirs d’Isabeau étincelèrent ; la pauvre Charlotte, à genoux, les mains croisées, se renversa en arrière.

— Oh ! pardon, pardon, murmura-t-elle.

Isabeau réfléchit.

— Cet homme serait-il attaché sincèrement à nos intérêts ?

— Après ce que vous m’avez promis, madame, il passerait pour vous sur des charbons ardens.

La reine sourit.

— Fais-le entrer, Charlotte, je veux le voir.

— Ici ? dit la pauvre fille, passant de la terreur à l’étonnement.

— Ici, je veux lui parler.

Charlotte pressa sa tête entre ses deux mains, comme pour s’assurer qu’elle ne rêvait pas ; puis elle se releva lentement, regarda la reine d’un air étonné, et, à un dernier signe que fit celle-ci, elle sortit de l’appartement.

La reine rapprocha les rideaux de son lit, passa sa tête dans