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LITTÉRATURE.

la reine Isabeau, fille de Louis de Bavière Ingolstat et de Thaddée de Milan.

Au bout d’un instant, les lèvres de la belle dormeuse se séparèrent avec un clappement pareil au bruit d’un baiser ; ses grands yeux noirs s’ouvrirent avec une langueur qui l’emporta quelque temps sur leur expression de dureté habituelle, et qu’elle devait peut-être en ce moment à un songe, ou, mieux dirai-je, à un souvenir de volupté. Le jour, tout faible qu’il était, parut encore trop éclatant à ses yeux fatigués ; elle les referma un instant, se releva en s’appuyant sur son coude, chercha de l’autre main, sous les coussins du lit, un petit miroir d’acier poli, s’y regarda avec un sourire complaisant ; puis, le posant sur une table à la portée de sa main, elle y prit un sifflet d’argent, en fit entendre le son deux fois répété, et, comme épuisée de cet effort, elle retomba sur son lit, en poussant un soupir dans lequel on retrouvait plutôt l’expression de la fatigue que de la tristesse.

À peine le bruit du sifflet avait-il cessé de retentir, que la portière de tapisserie qui tombait devant la porte d’entrée se souleva, et donna passage à la tête d’une jeune fille de dix-neuf à vingt ans.

— Madame la reine me demande, dit-elle d’une voix douce et craintive ?

— Oui, Charlotte, venez.

Elle s’avança alors en posant si légèrement le pied sur les nattes épaisses et finement tressées qui servaient de tapis, qu’il était évident qu’elle en avait fait une étude, lorsque, pendant le sommeil de sa belle et impérieuse maîtresse, les soins qu’elle remplissait près d’elle l’appelaient dans son appartement.

— Vous êtes exacte, Charlotte, dit la reine en souriant.

— C’est mon devoir, madame.

— Approchez-vous plus près.

— Madame veut-elle se lever ?

— Non, causer un instant.

Charlotte rougit de plaisir, car elle avait une grâce à de-