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LITTÉRATURE.

apercevant : Oh ! j’ai lu votre nouvelle ! c’est délicieux ! Voilà comme j’aime l’histoire. Oublions nos espérances sublimes, nos rêves d’immortalité. Oublions travail, gloire, avenir, tout enfin pour cette larme tremblante aux cils d’un œil noir, que notre bouche peut recueillir avant qu’elle ne tombe.



I.
Le chevalier de Bourdon.
1417.


Ah ! ah ! messieurs de la prévôté ! il paraît que notre sire le roi aime les tournois de grand chemin.


Vers sept heures du matin et par un beau jour du mois de mai 1417, sous le règne du roi Charles vi le Bien-Aimé, la herse de la porte Saint-Antoine se leva et laissa sortir de la bonne ville de Paris, une petite troupe de gens à cheval qui prit incontinent la route de Vincennes : deux hommes marchaient en tête de cette cavalcade, et les autres, qui paraissaient de leur suite plutôt que de leur compagnie, se tenaient derrière eux à quelques pas de distance, réglant, avec des marques de respect non équivoques, leur marche sur celle de ces deux personnages dont nous allons essayer de donner une idée au lecteur.

Celui qui tenait la droite de la route, montait une mule espagnole, dressée à marcher l’amble, et qui semblait deviner la faiblesse de son maître, tant son pas était doux et régulier. En effet le cavalier, quoiqu’il n’eût effectivement que quarante-neuf ans, paraissait vieux et surtout souffrant ; du reste, sa confiance en sa monture était telle que de temps en temps il abandonnait tout-à-fait la bride, pour serrer, comme par un