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L’AUTRE CHAMBRE.

l’homme né pour peindre, de vouloir écrire, qu’à un poète allemand (n’en déplaise à Wieland et à Goethe[1]), de répudier sa langue maternelle, sous prétexte que les langues du midi sont plus belles, plus harmonieuses, que celles du nord.

Sur ces entrefaites, Théodore étant tombé malade, ses nouvelles études furent interrompues, et quand il aurait pu les reprendre, le goût des vers avait fait place à un autre.

M. Staarmatz, qui, en bon voisin, venait tenir compagnie au pauvre enfant, fort ennuyé de garder si long-temps le lit, lui avait lu pour le distraire le poème de Faust, et Théodore, comme il arrive presque toujours, avait eu l’esprit beaucoup moins frappé de la punition du docteur que des moyens merveilleux qu’il emploie pour la mériter. La fièvre avait fait fermenter toutes ces idées, et si depuis cette époque il soupirait après sa convalescence, c’était moins par amour de la santé, que dans le désir de se livrer à l’étude de la magie. Aussi, dès qu’il fut sur pied, il se procura quelques vieux livres, avec lesquels il s’enferma, cherchant à accomplir des opérations mystérieuses qu’il espérait toujours parvenir à comprendre.

Le voilà donc absorbant toutes ses facultés dans cette unique pensée, et poursuivant son nouveau but avec d’autant plus d’acharnement qu’il avançait d’un pas plus pénible dans cette route sombre et sans issue.

Rien ne rend superstitieux comme la crainte, si ce n’est l’espérance. Théodore, quoique désintéressé du présent par l’attente de l’avenir que lui promettait la magie, ne s’en astreignait pas moins à certaines précautions minutieuses dont il n’avait, je suppose, en aucune façon la conscience. Ainsi lorsqu’entraîné jusqu’au Château par ses méditations, il se promenait au clair de la lune sous les portiques de la Stechbahn, n’ayant pas assez de présence d’esprit pour ne pas

  1. Wieland disait souvent qu’il voudrait avoir l’italien pour langue maternelle. Goëthe a regretté de n’avoir pas composé ses écrits en français.