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DE LA RÉVOLUTION ET DE LA PHILOSOPHIE.

sa dernière idée. Comme alors toute histoire semblait suspendue et muette, et que la résignation à leurs misères était la seule chose qui parût dans les peuples, la philosophie ne sut elle-même que chercher et fonder le présent ; et son caractère fut de n’avoir aucun pressentiment d’un lendemain. Si de Maistre avait mis à nu la théorie du catholicisme au moment où il croulait, Hegel dévoila la raison et la dernière ressource de l’ordre politique que nous venons de vaincre. Mais lors même qu’il exprimait avec une profondeur inouie la pensée de nos temps, ces temps avaient un invincible éloignement à regarder leur image dans un miroir si fidèle. Une répugnance populaire protesta toujours en Allemagne contre cette dernière école. Formée au centre de la monarchie prussienne, c’est là qu’elle continua de vivre, et elle ne se développa à l’aise que derrière les trophées de Waterloo.

En dehors de ce mouvement universel, il s’en formait un autre dans l’intérieur de la France, et qui se nommait ecclectisme. Née sous le glaive de la restauration, cette philosophie était ce qu’était alors la France. Une éclatante résignation aux principes discordans qui faisaient invasion à la suite des peuples, un compromis entre le midi et le nord, entre le couchant et le levant, une trêve demandée à l’Écosse de Waterloo, à l’Allemagne de Leipsick, un dénombrement d’idées naturellement ennemies, qui, après le dénombrement des armées étrangères, venaient faire une alliance d’un jour, et vivre ensemble sous la tente. Le peu d’énergie qui nous restait, et l’impuissance de mettre au jour aucun élément nouveau, nous rendaient parfaitement propres à cette diplomatie envers les théories. Chaque système vint, comme dans un congrès d’idées, transi-