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ÎLE DE CUBA.

lado, une petite maison blanche ; c’était celle d’où nous étions partis. On voyait presque jusqu’à la Havane. — Nous passâmes à l’autre pointe qui est plus élevée, à l’est, et nous enterrâmes une bouteille contenant la relation de notre expédition, signée de tous nos noms, et le tout en bon latin. — Autour de nous planaient des vautours, étonnés sans doute de voir des êtres de notre espèce venir visiter leurs régions. — En redescendant, je rencontrai l’ébène, l’acajou, le gayac, le cacaotier, et d’autres arbres curieux qui me firent oublier le guao. Je cueillis des graines, poursuivis un colibri, et tuai deux belles perdrix à tête bleue. — Nous étions assez fatigués en rentrant, et inquiets de notre sort futur. Un des fils de madame Jouve avait déjà les yeux hors de la tête, et les oreilles rouges comme le feu ; bientôt ses pieds commencèrent à se gonfler, et il se coucha avec la fièvre : il était mieux le lendemain, et au bout de trois jours, quand je le quittai, il n’avait plus qu’une oreille de malade. Lui seul de nous tous, au reste, fut attaqué.

J’avais été aussi un peu invalide à Espéranza ; dans le pays, tout le monde est exposé à cet inconvénient, depuis les nègres jusqu’aux dames : j’avais ce qu’on appelle en français une chique, et en espagnol, nigua. C’est une petite bête ronde, grosse comme la tête d’une épingle, qui s’introduit dans la peau, s’y loge, s’y enfonce, y fait des petits, grossit en peu de temps avec sa famille, et finit par vous dévorer, si vous ne l’enlevez. Mon pied me faisait souffrir depuis quelques jours ; il était rouge et enflé, sans que je pusse en deviner la cause. Je le montrai à Petrona, mulatresse habile en pareille matière : Caramba ! che nigua gorda ! s’écria-t-elle, et avec une épingle, elle