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ÎLE DE CUBA.

prendre ; et, peu rassurés sans doute, ils finissaient par disparaître. Quant au Little-William, poursuivant sa carrière, il s’en allait droit au sud-sud-ouest, riant beaucoup des terreurs paniques qu’il faisait naître.

C’était avec intention que j’avais choisi un si petit bâtiment pour aller à l’île de Cuba : en partant des côtes des États-Unis, une goëlette vaut mieux qu’un brick et qu’un trois-mâts. Le nombre de ces bâtimens perdus dans le commerce de la Havane est immense : ils ne peuvent longer la terre en dedans du courant, comme nous le faisions, et sont forcés de passer dans l’est, au milieu des îles et des roches innombrables des Bahamas, repaires de pirates, où de rapides courans les entraînent à une perte certaine, s’ils ne sont constamment sur leurs gardes ; tandis que nous, nous ne courions qu’une mauvaise chance, c’était d’avoir de forts vents d’est.

Le 4 à midi, nous étions à quatre-vingt-dix milles de Matanzas ; et ayant eu bonne brise toute la journée, nous pensions déjà à une heure du matin, au clair de la lune, apercevoir la terre. Nous mîmes en panne pour attendre le jour, et à six heures nous vîmes effectivement le Pan de Matanzas, grande montagne à l’ouest de la ville.

Nous nous remîmes en route, et une goëlette de guerre américaine, le Grampus, vint droit sur nous, et ne vira de bord qu’à une demi-encâblure, quand elle eut bien reconnu que nous ne l’avions pas trompée en hissant le pavillon américain.

Les vapeurs qui couvraient les montagnes se dissipèrent à mesure que nous avançâmes ; les côtes devinrent de plus en plus vertes, les maisons blanches se détachèrent du milieu des bois, d’où s’élançaient de