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L’ASTROLABE À TONGA-TABOU.

qu’il m’en coûte, pour ne pas exposer plus long-temps l’expédition à une ruine complète.

Ce n’est pas que je craigne de tomber au pouvoir des sauvages, mes mesures sont prises pour éviter cette humiliation. Au moment où la corvette sera envahie par ces barbares, et lorsque tout espoir de résister avec quelque succès sera anéanti, j’ai pris la résolution de faire sauter le bâtiment. M. Dudemaine a reçu mes instructions à cet égard, et je compte assez sur son courage et sa haine pour nos ennemis, pour être certain qu’il les exécutera fidèlement. Mon intention n’est pas de donner cette détermination de ma part comme un trait de bravoure ni de dévouement. En effet, je suis réservé à une mort certaine et cruelle de la part des sauvages. Je n’aurai donc d’autre mérite que d’échanger cette perspective contre une fin plus rapide et plus douce, en sautant avec l’Astrolabe : mais en terminant ainsi ma carrière, j’aurai du moins la consolation de donner une leçon sévère aux perfides insulaires de Tonga-Tabou, et de soustraire en un instant aux regrets et aux réflexions des navigateurs futurs les tristes débris de notre brillante expédition.

La nuit a été détestable ; obscurité complète, pluie à verse et fortes rafales d’est et d’est-sud-est. À deux heures, nous avons filé de la grosse chaîne, pour mieux assurer notre tenue.

(19 mai.) À sept heures du matin, les matelots Fabry et Bellanger ont encore paru quelques instans sur la plage. Peu après, le pavillon blanc qui avait été enlevé par les naturels aux premiers coups de canon de notre part, a été relevé. Du reste, les guerriers se tiennent toujours à leurs postes dans les fossés et les retranchemens, bien qu’ils se montrent rarement.

Sur les neuf heures et demie, une pirogue a paru près de la plage, entre Mafanga et Nioukou-Lafa ; trois Anglais semblaient vouloir la traîner du côté de Mafanga : contrariés par la force du vent, ils l’ont enfin abandonnée, et se