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L’IDOLE.

Son image reluit à toutes les murailles,
Son nom dans tous les carrefours,
Résonne incessamment comme au fort des batailles
Il résonnait sur les tambours,
Puis, de ces hauts quartiers, où le peuple foisonne,
Paris comme un vieux pélerin
Redescend tous les jours au pied de la colonne
Abaisser son front souverain.
Et là, les bras chargés de palmes éphémères,
Inondant de bouquets, de fleurs,
Ce bronze que jamais ne regardent les mères,
Ce bronze grandi sous les pleurs ;
En veste d’ouvrier, dans son ivresse folle,
Au bruit du fifre et du clairon,
Paris d’un pied joyeux danse la carmagnole
Autour du grand Napoléon.

Ainsi passez, passez, monarques débonnaires ;
Apôtres de l’humanité,
Hommes sages, passez, comme des fronts vulgaires,
Sans reflet d’immortalité !
Du peuple vainement vous allégez la chaîne,
Vainement tranquille troupeau,
Le peuple sous vos pas, sans sueur et sans peine,
S’achemine vers le tombeau ;
Sitôt qu’à son déclin votre astre tutélaire
Épanche son dernier rayon,
Votre nom qui s’éteint, sur le flot populaire,
Trace à peine un léger sillon.
Passez, passez, pour vous point de haute statue,
Le peuple perdra votre nom :
Car il ne se souvient que de l’homme qui tue
Avec le sabre ou le canon ;
Il n’aime que le bras qui, dans les champs humides,
Par milliers fait pourrir ses os ;
Il aime qui lui fait bâtir des pyramides,
Porter des pierres sur le dos.
Le peuple. — C’est enfin la fille de taverne,
La fille buvant du vin bleu,