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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

et fidèle de mon livre ? Je le devine ; vous disiez en vous-même : voilà l’histoire du gouvernement de Genève. C’est ce qu’ont dit à la lecture du même ouvrage tous ceux qui connaissent votre constitution ..... J’ai donc pris votre constitution que je trouvais belle pour modèle des institutions politiques ; et vous proposant en exemple à l’Europe, loin de chercher à vous détruire, j’exposai les moyens de vous conserver, etc. etc. »

Il est historiquement remarquable que Rousseau ait considéré comme exemple et comme modèle la constitution aristocratique de Genève. Ainsi Aristote avait derrière lui Alexandre ; Platon, l’Orient ; Spinosa, la république hébraïque ; Machiavel, l’Italie du quinzième siècle ; Locke, l’Angleterre de 1688 : tant la philosophie sociale, quelque idéaliste et indépendante qu’elle se puisse concevoir, doit toujours s’appuyer sur la réalité. Le conseil est au surplus à peu près inutile ; il n’en saurait être autrement. Mais si Rousseau songeait à Genève en construisant ses théories, ses théories allèrent plus loin que sa pensée ; et ce publiciste, qui se disait ou se croyait aristocratique, s’est fait le législateur de la démocratie.

Quel est véritablement le début historique du pouvoir législatif ? Les sociétés ne commencent pas par le contact et l’équation des volontés indépendantes et égales, mais par la soumission de la liberté humaine à ce qu’elles appellent l’empire de Dieu, à la théocratie. Le pacte, loin d’être leur commencement, est aujourd’hui leur dernier progrès. L’Angleterre et la France sont parvenues à asseoir leur constitution sur un contrat bilatéral entre le pouvoir législatif, auquel le peuple a délégué sa souveraineté, et le pouvoir exécutif, agent de la société, trouvant son titre et sa raison, dans l’intérêt général. Et pour le dire en passant, l’assemblée constituante a rectifié l’erreur de Rousseau quand il veut que la souveraineté soit incommunicable, puisqu’elle a dit : « La souveraineté appartient à la nation ; la nation de qui émanent